Les foulées de Mégara 2016 : évasion à la Marsa
A peine sorti de l’aéroport de Tunis, aveuglé par la lumière, on prend tout de suite conscience de la chaleur ambiante. Nul malaise, aucune insécurité, même voilée. Même voilé, le ciel inonde d’ombres blanches l’étendue du décor. Ici le bleu et le blanc s’unissent. Dans la poussière ambiante, le trafic s’écoule sur de larges voies. Tout est clair, éclairé. Une autoroute, des habitations cubiques, blanches, éblouissantes, à perte de vue. Des immeubles, à quatre, à six étages, guère plus. Pas de gratte-ciel. Des terrasses, des paraboles, du linge qui sèche, de gros placards publicitaires en arabe, en français, en anglais. Au-delà de la zone industrielle, des palmiers, une mosquée. Le taxi emporte le visiteur vers sa destinée, il prend la direction de Carthage, nous achemine à la Marsa, dans les faubourgs de la cité antique, au cœur des mégaras, des jardins carthaginois. De là, des siècles nous contemplent. La Marsa, célèbre station balnéaire entre Tunis et Carthage, offre un cadre de banlieue huppée. La ville regroupe aujourd'hui de nombreuses résidences d'ambassadeurs, de luxueuses villas, des hôtels chics, peu de touristes en ce début de printemps. Au-delà des collines, la mer s’étend d’un bleu turquois, à perte de vue. Le doux clapotis des vagues apaise le promeneur. La plage est belle. La ville possède encore de nombreux sites archéologiques, romains pour la plupart, classés au patrimoine mondial de l'Unesco. Les bâtiments séculaires qui bordent la baie confèrent au cachet. C’est beau, c’est très beau et çà vaut quelques cartes postales. Depuis le printemps arabe, les Tunisiens ont le vent de la démocratie en poupe. Il souffle sur la jeunesse, omniprésente. Un pas a été franchi. Les choses ont évolué. Les autochtones restent des gens charmants, mesurés, accueillants. Les événements ont certes quelque peu effrayé les touristes prudents. Mais on y revient. Il fait toujours aussi bon aller en Tunisie. Les foulées du Mégara. Un semi marathon est réservé aux coureurs les plus entrainés et une course populaire de cinq kilomètres fait l’engouement des plus néophytes. Riadh Ben Zazia préside l’association organisatrice et coordonne avec brio l’épreuve. Attentif aux attentes de chacun, l’homme maitrise aujourd’hui son sujet et la huitième édition de l’épreuve s’est une nouvelle fois avérée une réussite. L’équipe d’une centaine de bénévoles est maintenant rôdée. Un succès croissant. Près de deux mille coureurs se sont réunis sur les deux courses, près de huit cents sur le semi. Trente nationalités différentes :, des Marocains, des Algériens, des Européens, des Américains... et le bon gratin tunisien, l’élite sportive du pays. Au-delà de l’exploit, de la performance, subsistent de maitres mots, la convivialité, les échanges, la fraternité, le dépassement de soi. Pour la première fois, il a fallu s’acquitter de droits d’inscription, un euros cinquante par bulletin pour financer la mise en place d’un chronométrage individuel par puce. Le progrès ne s’arrête jamais, la course se modernise. Il est difficile de concevoir pour un Tunisien confronté aux difficultés économiques de son pays de devoir s’acquitter de dépenses plus importantes. Pourtant, avec le concours de précieux sponsors, Riadh et ses partenaires ont pu et su mettre en place une nouvelle fois une organisation irréprochable. L’événement est marquant, le rendez-vous est désormais incontournable. Médias, télévision sont présents. Et le ministre des sports tunisien en personne participe lui aussi au galop. A l’arrivée, une médaille souvenir a été offerte à l’arrivée tous les participants. Ce fuit une très grande fête. Et, au comble, la course fut sublime. Une bien jolie épreuve. Fouler les mégaras, antiques jardins carthaginois. Après quelques jours de grisaille, le soleil lui aussi s’est levé pour honorer l’effort consenti par tous. La foule envahit de bonne heure la promenade, la circulation est coupée. On s’agite. Le départ donné sur le boulevard face à la mer. Il faut au peloton dense qui s’étire dès les premiers hectomètres emprunter les boulevards bordés de palmiers, parcourir une large boucle aller retour de la Marsa à Carthage. De longues lignes droites, la visite pédestre des principales artères du site, l’ascension répétée de collines, de pentes douces, de descentes répétées vers le front de mer. On voit des maillots de toutes les couleurs, bigarrés, vite mouillés. On suit des ballons que trainent des meneurs d’allure dans leur sillage. Chacun repère la couleur du sien. Des hommes et des femmes élancés que tout unit. D’un premier échange avec un Américain, vous partagez vos foulées aux mêmes pas cadencés que quelques coureurs locaux. Un Allemand se joint au groupe. Le groupe se scinde. Certains lâchent prise. D’autres accélèrent, faussent votre compagnie. Le train emporte votre propre foulée. Tous s’unissent dans le même effort. Un semi marathon international est toujours grand moment. Devant… Peu ou prou de temps pour admirer le rivage ou le céleste décor. Sans tergiversations, à un rythme effréné, les deux militaires Wissem Hosni et Tarak Hacheni auront vite fait de creuser un écart décisif et, dans leur lutte fratricide, unis par une foulée synchronisée, calés l’un derrière l’autre, mus par le même mouvement, les deux hommes se taperont la bourre jusqu’au treizième kilomètre. Là, aux deux tiers de la distance à parcourir, le premier portera l’estocade et, en accélérant franchement, distancera le second. Wissem vainc. Il clôt le semi en 1h04’35’’, cinquante secondes avant son poursuivant, un chronomètre bien remarquable et remarqué au regard de la difficulté du parcours. La première dame, Mahbouba, huitième du scratch, gagne en 1h16’31. Des performances dignes de l’élite mondiale. Mais qu’importe le classement, l’essentiel était partie prenante de la fête, une liesse populaire, de tous âges, dynamique, tunisienne, internationale, heureuse d’être là, d’avoir couru et foulé le mégara.
Brice de Singo.
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