Certes il y en a maintenant partout et par le monde des milliers. Le traileur, pour un peu qu’il soit voyageur, n’a plus que l’embarras du choix. L’engouement pour la discipline a créé des émules. De plus en plus de coureurs, de plus en plus d’organisations, de plus en plus de manifestations. Le vent est dans la poupe. L’athlète se réfère souvent aux courses mythiques, aux incontournables. Nous les connaissons toutes. Les meilleurs, ceux qui prétendent à la gagne, sont attentifs aux références, à celles qu’il convient d’épingler comme un dossard à leur palmarès. Les valeurs sûres créent les impératifs. Mais, bien que rôdées, elles n’offrent pas toujours ce qu’il y a de meilleur quand il s’agit d’en mettre plein la tronche aux coureurs. La terre est grande et l’esprit n’a pas de limite. La multiplicité des épreuves s’étend. On ne court pas un ultra aux quatre coins du monde chaque week-end. Il convient de choisir.
D’une falaise, il saute et poursuit le long d’un ruisseau. Du sable, il piétine soudainement une végétation luxuriante, traverse parfois des jardins protégés, verdoyants, paradisiaques. Et puis, chaque heure de la journée revêt ses couleurs. Le premier parcours de 33 kilomètres pour 900 mètres de dénivelé a rassemblé près de 250 participants, le gros du peloton populaire, venu d’ici, de Mésopotamie, d’Europe occidentale ou du Nouveau Monde. La Turquie au centre des civilisations. Un carrefour. Et le Turc tellement avenant. Près de vingt nationalités différentes sont représentées. Les cinq continents. Ürgüp pour un jour Babel. Les rencontres internationales n’en sont que plus enrichissantes. Personne n’a pu suivre le train du jeune Polonais, Fryderyk Pryjma, 18 ans, qui relègue son second à 22 minutes, le troisième à 35 minutes. Une domination tout simplement ahurissante. Les deux autres courses, relevaient tout de même d’un effort plus conséquent et dénombraient une centaine de participants chacune. L’utra est toute autre. Départs concomitants donnés à 7h00. Sur 62 kilomètres, 1850 mètres de dénivelé, le tandem iranien uni par la combinaison Salomon, Davood Shirkhani et Ashkan Almasi a largement dominé les débats mais s’est fait coiffé sur le poteau par le senior turc Kamal Kukul, revenu du diable vauvert. Sur l’épreuve reine, 110 kilomètres pour 3350 mètres de dénivelé, les deux Français Jean-Marc Delorme et Aurélien Perrey se sont avant tout fait plaisir. En alliant leur foulée synchronisée, ils ont eu tout le temps de faire connaissance et de se découvrir. Ils ont mené la tête du troupeau jusqu’à la mi-course. Là, un malencontreux égarement les a contraints au contretemps. La machine russe Elena Polyakova est passée devant. Eléna bade la pause méridienne, néglige le repas et poursuit sans les frenchies. Elle repart du check-point 6 à 50 kilomètres de l’arrivée avec 15 minutes d’avance. Elle ne cèdera plus rien. Les deux Français ne reviendront pas. Ils sympathisent et s’attendent mutuellement. Devant eux, ouvrant la voie, le petit bout de femme si jolie présente une résistance athlétique hors pair, peu commune. Ce n’est pas son galop d’essai et elle sait que c’est aujourd’hui son jour. Elle ne lâche rien. Elle porte son avance à 30 minutes et remporte le premier Ultra trail de Cappadoce. Sous le chant du muezzin, une femme Madame Eléna Polykova a dominé la gente masculine. Bravo madame.
Texte de Brice de Singo. Retrouvez toutes ses photos en cliquant ICI