Liwa Challenge, l'aventure ultime !


A chaque pas s'éveiller en un point différent du vaste désert. Sortir de son quotidien et retrouver dans la splendeur d’une nature vierge. Détendre ses jambes, s'étirer dans l'air chaud et pur. Sur le sable, enrouler son turban et s'y draper. Se griser d'espace. Connaître l'insouciante ivresse de seulement respirer, de seulement vivre. Lever les yeux au ciel empli d’une encre noire, des milliards d’étoiles scintillent encore. Chercher la sienne dans l’immensité de l’univers. Ici Cassiopée vous devine, les étoiles pénètrent votre imagination et donnent un sens à votre vie. En paix avec vous-mêmes, vous obtenez là ce que vous êtes venus chercher. Puis le soleil point une fois encore à l’horizon, l’aube s’enflamme, la lumière se ravive, le sable fin prend les couleurs du feu : jaune, orange, ocre rouge, fabuleux. Au milieu de nulle part, en plein désert de Liwa, autour d’une oasis perdue dans les dunes au cœur de la péninsule arabe, le coureur s’agite encore. L’effort l’a terrassé. Il reprend son souffle. Autour de lui, ses pairs, les participants de la première édition du challenge de Liwa s’ébranlent et s’agglutinent pour le féliciter. Plus qu’un soutien, une communion, une reconnaissance, un partage. Au bout de lui même, il est allé. Ses muscles, Ses jambes, ses pieds sollicités ont été meurtris par tant d’heures de cheminement dans le sable meuble et le font grandement souffrir. L’épreuve est sans doute la plus difficile du monde, elle a été voulue ainsi. Un voyage peu commun, exceptionnel, entre dépassement de soi et féérie chargée d’émotions indicibles, à la découverte d’un autre, de l'immensité d’un désert, de vagues incessantes de dunes, tellement hautes, si imposantes, enchevêtrées, continues. La chaleur est là et le courant d’air souffle. Il emporte avec lui coureurs et sable mou. La silice et le sel volent, pénètrent chaque orifice, s’immiscent dans chaque interstice. Ils corrompent l’homme et le rompent. L'homme ne s'incline que lorsqu'il rencontre le surpasse... C'est forcément ce qui arrive dans le désert de Liwa, aux confins des Emirats. L’organisation est parfaitement rôdée. L’ultra trail est son sujet. Si le Liwa Challenge était cette année une grande première, l’équipe organisatrice est depuis longtemps unie, complémentaire, polyvalente, stable et elle maitrise parfaitement toutes les difficultés qu’incombent un  pareil événement. Autrefois, Michel Casals et Jean-Marc Tommasini concoctaient ensemble le Libyan challenge. Depuis 2009, la Libye s’est refermée. Un grain de sable politique a enrayé la jolie mécanique pérennisée d’une course reconduite chaque année. Les deux compères ont repris leur bâton de pèlerin. Ils ont parcouru la terre, sillonné chacune de ses entrailles, à la recherche d’un autre site. Afrique, Chine ou Chili. Le désert de Liwa a retenu leur attention. Entre Emirats Arabes et Arabie Saoudite, ils ont dégoté un terrain de jeu unique, sécurisé. Leur gouaille, leur verbe, leurs qualités en relations humaines, leurs connaissances leur ont ouvert les portes du désert. Ils ont su trouvé ou gardé leurs sponsors, sans qui rien ne serait possible : Thalès, Total, Air France et l’appui des contacts locaux. Abu Dhabi  Sport Council, rattaché au ministère des sports émirati a offert son partenariat et le cheikh ses appuisPassionnés par l’ultra, les deux instigateurs ont orchestré avec talent esans aucune autre fausse note qu’une distribution inappropriée de hamburgers aux coureurs l’organisation de l’épreuve qu’ils ont eux-mêmes créée. A Tal Moreb, ils ont offert à la caravane qui passe la clé et l’eau désaltérante d’une oasis. Aucune frontière quelle qu’elle soit n’a su barrer le passage de leur imagination. Aucune d’ailleurs, nulle part, ne se justifie. Babel n’aurait jamais du exister. Michel et Jean-Marc sont citoyens du monde et s’adressent aux citoyens du monde. Il fallait un site qui offre la sécurité et la grandeur d’une évasion. La traversée du désert de Liwa, sur 100 ou 200 kilomètres, a permis aux participants du challenge une pénétration totale dans le désert entre sable, vent, chaleur et soleil. Le challenge  a été voulu le plus difficile possible, le dépassement de soi hors normes. Le pari a été gagné. Le leur, pas celui de tous les coureurs…. 48 participants, 27 engagés sur le 200 kilomètres, 21 sur le 100, auront cette année foulé le sable fin des montagnes de dunes. Un petit comité, une chance. Beaucoup d’entre eux sont de redoutables coureurs expérimentés d’ultras, anciens participants assidus notamment du Libyan Challenge. Leur expérience commune ajoutée a plusieurs fois couvert la circonférence de la terre, sillonné chaque méridien terrestre, chaque parallèle. D’autres sont issus du bataillon de coopération de la légion étrangère basée à Abu Dhabi ou membres de l’armée émirati, sportifs aguerris mais néophytes sur un tel exercice. D’origines diverses, en majorité française, Parisiens, Franciliens, Bretons, Normands, Toulousains, Marseillais, Réunionnais, Guyanais, expatriés aux Emirats, Anglais, Hongrois, Coréen, Suisse ou Emirati, ont ainsi communié, tout partagé, se sont ouverts et découverts. La caravane a couru, ou simplement marché. L’éclectisme du groupe a été source de richesse. Face aux difficultés, la solidarité et l’entraide sont de mise. Avec la bonne ambiance, l’osmose a pris. Une équipe pour un seul esprit, dit-on. Le départ de la première édition du Liwa a été donné au cœur de l’oasis de Tal Morel le 9 février. 75 heures sont accordées aux participants pour clore leur parcours en autonomie complète. Seule l’eau sera distribuée aux différents relais. Que ce soit pour 100 ou 200 kilomètres, le peloton harnaché, bâté, s’élance uniformément. A dix heures du matin et bien que février ne soit pas la période la plus chaude de l’année, la température avoisine déjà les trente degrés. Le thermomètre monte, la lumière est intense. Il fait chaud mais le vent est caressant et soulève en rafales des volutes de sable fin. Si ces courants d’air procurent aux visiteurs une sensation de rafraichissement dans la fournaise ambiante, il dessèche néanmoins leur organisme, camoufle d’éventuelles déshydratations. Une fois la première dune gravie, on se rend vite compte de l’unique cadre. A perte de vue s’étendent des montagnes de dunes. Les lames dépassent régulièrement les cent mètres de hauteur. Ne subsiste alors qu’une seule matière, blanche, jaune ou ocre, immaculée. Nulle pierre, nul caillou, nul arbuste épineux. L’unique sable s’échappe sous vos pieds, rend toute progression difficile. Il s’insère au travers des guêtres, s’immisce au cœur des articulations, irrite les yeux, macule les jambes, les bras, le visage. La progression est difficile, le sol est trop mou. Il n’est plus question de pas de course. Bien appuyé sur leurs bâtons, le défilé de trailers marche au pas. Le vent fait son œuvre, strie le sol, dépose çà et là ses amas, balaie les crêtes, les arêtes. La lecture du sol gagne son intérêt. Dans l’immensité, chacun cherche sa progression, ses appuis, contourne, slalome. En contrebas, parfois, s’étendent sur quelques longueurs planes des sebkas, lacs que les millénaires ont taris puis séchés. Les résurgences de sel brillent comme diamants au soleil. Le temps d’une courte traversée sur un sol moins meuble offre un bref répit. Le sol est certes plus ferme au pied des dunes mais serpenter entre les monticules rallonge considérablement la ligne d’arrivée enfin salvatrice. Puis il faut regrimper la dune, inlassablement, les enchainer les unes après les autres. Sur les 200 kilomètres de parcours définis, plus de 8600 mètres de dénivelé positif s’imposeront aux jambes au bout desquelles les pieds s’enfoncent, inexorablement. « Ce qui sauve, c’est de faire un pas, encore un pas. C’est toujours le même pas que l’on recommence. » Un concurrent est passé là, le poursuivant suit sa trace. Mais tout sur le sol est aléatoire. Il n’est pas évident de progresser efficacement. Après l’embrasement du ciel par delà l’horizon de dunes, aux heures du jour succède la nuit. Les étoiles s’allument une à une. Sont-elles plus nombreuses que les grains de sable ? La lune n’est pas pleine mais elle éclaire copieusement les dunes. Les frontales rendent compte des particules de sable qui évoluent et que l’on respire dans l’air ambiant. La bouche en devient pâteuse. La solitude et le silence créent le vide. La grandeur rétrécit les êtres. L’humilité gagne. Nul fléchage au sol. Le GPS devient un instrument de survie et commande toute progression. Des points définis ont été distribués au départ. Ils correspondent à autant de check points ou de balises disséminés dans le désert. Onze sont à rejoindre pour les participants du 200 km, cinq pour ceux inscrits sur la plus courte distance. Les quatre premiers sont communs. Au-delà, les chemins se séparent. « Ce qui embellit le désert c'est qu'il cache un puits quelque part. » Dans l’erg sablonneux, espacés, des camps de survie ont été dressés. Chaque check point accueille avec compassion les naufragés du désert. L’équipe de bénévoles engagés par l’organisation est efficace. Chaque relais dispose d’un membre professionnel du corps médical, médecin, ostéopathe ou infirmier. Les camps improvisés offrent l’eau, le gîte en tente, les soins. Nul besoin d’attendre la première nuit pour que s’allument les premières ampoules. Chaque orteil, chaque voûte plantaire, chaque talon, chaque cheville s’ornent de rougissants épanchements. Les soins prodigués sont unanimement appréciés.  Après quatre heures de course, les coureurs de tête, inscrits indissociablement sur 100 ou 200 kilomètres, arrivent un à un ou deux par deux au passage du seizième kilomètre au premier relais. Le Français expatrié à Dubaï Benoit Rodriguez a pris la tête des opérations. Il ne précède que de quelques minutes le Parisien Alban Raigner et la néo Savoyarde Mélanie Rousset. Tous les trois sont partis pour 200 kilomètres. De visu, ils sont accompagnés par trois légionnaires. Mourad Si Ahmed et Erwan Cazin mènent le 100 kilomètres. Ils sont poursuivis à quelques encablures par leur camarade de corps Frédérik Bonaparte qu’ils tiennent en respect. Mourad et Erwan sont amis. Depuis des mois, ils préparent ensemble leur compétition. Plus loin, échelonnés, progressent le Toulousain Thierry Corbarieu, l’Anglaise Sharon Gayter,, puis Nicolas Autret, Patrick Ostrowski, Florence Gay… La spécificité du parcours, ses difficultés et la chaleur du premier jour rendent vite compte des organismes. L’effort est conséquent. Certains, inscrits sur le 200 kilomètres, se ravisent. Le 100 suffira. Beaucoup se font piéger par la déshydratation. Et l’hécatombe commence. La jonction entre les relais 2 et 3 situés aux 36ème et 60ème kilomètres est longue et sert de cadre aux premiers abandons. A la tombée de la nuit, sur le 200 kilomètres, Benoit est toujours poursuivi par Alban. Les deux hommes dominent et se suivent. Mais après le CP3 et l’obscurité de la nuit, ils unissent leurs forces et progressent ensemble. Derrière eux, sur le 100 kilomètres, Erwan  a été victime de la chaleur et s’est laisse décramponner. Mourad est en forme et caracole seul en tête. Vers 20h, il est victime de la technique et d’une panne de GPS. Perdu au milieu de nulle part, il est recueilli par un 4X4. Il est éliminé et amené au CP3. Frédérik Bonaparte est passé. Il accompagne Mélanie Rousset, 3ème du 200, jusqu’au CP4. En bon militaire, il prodigue à la jeune femme quelques conseils d’utilisation du GPS. Au delà, leurs chemins se séparent. Coureurs du 100 et du 200 choisissent leur destinée. Erwan a retrouvé son ami au CP3 qui, malgré sa disqualification, décide de l’accompagner. Les retrouvailles, la tombée et la fraicheur de la nuit remettent le jeune homme en selle. Ensemble, ils rattrapent Frédérik, le débordent au CP4, continuent leurs efforts. Mourad est beaucoup plus fort mais il n’est plus dans la course. Il tire son collègue, l’exhorte, le stimule. Ensemble, à l’aube du deuxième jour après 21h35 de course, ils franchissent la ligne d’arrivée. Frédérik arrivera seul une heure plus tard. Un quatrième légionnaire, Nicolas Trompette, complètera le podium du 100 kilomètres. Après 33h36 de course, la Toulousaine de « Cho la Dune » Claudine Pascal et la journaliste  Cécile Bertin  termineront ensemble sur la première marche du podium féminin. Sur la poursuite du 200 kilomètres, esseulée après le CP4, Mélanie a préféré attendre ses poursuivants. Si Thierry a été contraint de jeter l’éponge au CP3, sa camarade de club « Cho la Dune », Florence, est toujours en course et progresse avec Patrick. Mélanie se joint à eux et le trio poursuit uni. On rêve alors d’une pomme, d’un bon plat. On s’oublie, l’imagination déborde. Dans une telle grandeur, un tel silence, on se sent rétréci, petit, humble. En tête, Benoit et Erwan sont parvenus au CP6. Ils ont beaucoup marché, à un bon rythme. Leur avance est conséquente. Benoit a les pieds en sang. Chaque orteil est soigné, pansé. L’opération prendra à plusieurs reprises aux différents CP restants plus d’une heure systématique de soins. Alban a continué seul. Une seconde journée sous la chaleur, une seconde nuit sous les étoiles, sans jamais s’abandonner à la moindre minute de sommeil. La beauté du paysage, les levers et couchers successifs du soleil l’ont fait rêver. A l’aube du troisième jour, overdose d‘efforts, de chaleur emmagasinée et d’endorphines, le mirage s’allume. Maintenant, il délire. Il ne sait plus où il est, poursuit sans force et sans savoir où ses pieds le portent. De son imagination apparaissent un renard, d’autres animaux, des hommes. Ils lui indiquent le chemin, la voie royale. Le garçon s’accroche pour ne pas tomber dans l’au-delà. Il franchit le Rubicon et harassé, vainc au bout d’un ultime effort. 45h16 de course, neuf heures avant Benoit, son premier poursuivant. Derrière, Mélanie, Florence et Patrick sont restés ensemble. Après 57h07 de course, ils s’adjugent ex aequo a troisième place du général. Que d’émotions.  Les jeux brûlés, le teint hâlé, maculé de sel et de sable, un à un, les survivants parviennent au but. Ils sont peu à endosser le maillot du finisher. Huit seulement sont arrivés au bout des deux cents kilomètres. Le Genevois Baudouin Dunant sera sans doute le plus attendu. 78 heures de course et de dépassement de soi pour ce qu’il appelle « un vide Total ! » Il n’est pas venu là par hasard… Dix huit coureurs sont parvenus au terme des cent kilomètres. Beaucoup d’entre eux étaient initialement inscrits sur la longue distance. Chaque concurrent a donné le meilleur de lui-même, s’est défendu, s’est démené pour vaincre l’épreuve, avec ou sans succès. Personne n’a démérité. 100% des coureurs d'accord pour conclure que le Liwa Challenge est unique par son côté 100% sable et qu'il s'agit désormais d'une course "référence" en termes de difficulté.  Ici, le silence s’écoute, il suffit de lui tendre l’oreille. Une étoile file, je ferme les yeux, mon imagination déborde, il était revenu. Regardez ces photos du désert. C’est pour beaucoup de ceux qui ont fait le Liwa, le plus beau paysage du monde. C’est ici que le Petit Prince est apparu, pendant trois jours. De retour de la dune, rentré chez eux, enfin réveillé, chaque participant y rêve encore, longtemps, tristement. Quand ce fut fini, le Petit Prince leur avait dit : « Puisque c’est ainsi, nous reviendrons… ».  Le temps d’une révolution autour du soleil. Inch’Allah.

Brice de Singo.

 

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