Découvrez le Grand Raid de la Réunion comme si vous êtiez en rubrique évasion !!


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Ici ou ailleurs : cette rubrique vous est réservée ! Elle vous permettra de partir à l'aventure, hors des sentiers battus donc, à travers les récits de coureurs de la région qui sont en quête d'horizons nouveaux. Ce sera donc l'occasion de faire vos valises et de découvrir des contrées lointaines... et pourquoi pas de vous laisser tenter à votre tour. En tout cas n'hésitez pas à nous faire part de vos témoignages avec quelques photos à l'appui. Embarquez avec nous dans la rubrique "évasion!". Comme une invitation au voyage.


Un 21km pour Mathieu en Tunisie !

« J’ai toujours aimé le désert, on s’assoit sur une dune de sable, on ne voit rien, on n’entend rien. Et cependant quelque chose rayonne en silence. » L’acte 1 de cette histoire est une tragédie, un fait troublant qui noue encore les gorges, un élément déclencheur dont on ne peut, par déférence, détailler outre mesure la narration au moment de faire le récit de cette aventure. Douz, au sud de la Tunisie, les portes du désert. Douz, la porte du Sahara s’ouvre une portion du plus grand désert du monde. Elle est réputée parce qu’au-delà de la cité, la terre recouverte de pierres cède peu à peu la place aux dunes de sable blanc et fin. Il fait démesurément chaud. Le Sahara est lumineux et offre des paysages particulièrement photogéniques. L'erg se façonne en collines, en vallées, en crêtes et ridules dessinées au gré du vent. Les épineux ont remplacé la caillasse. De loin en très loin, un bouquet de palmiers semble vouloir signifier la présence d’un point d’eau. Les caravanes de dromadaires d’autrefois ont laissé la place aux activités touristiques, bien établies, vitales pour les autochtones quand l’actualité du monde rapportée par les médias ne ternit pas leur essor. Des raids en 4X4, en moto, en quads, en chameaux sont organisés tous les jours. Des méharées attirent les aventuriers en recherche de vide et de calme. Les Tunisiens ont toujours été accueillants, d’une gentillesse affable. Douz offre un recueil, un dépaysement, une porte vers le délassement. Eric et Marie Sanchez sont de ces visiteurs. Père et mère de famille varoise, Eric est pompier à Hyères, Marie y est assistante de direction, le couple chérit un fils unique, adoré par tous, Mathieu. L‘enfant est très lié à ses parents et partage avec passion leurs vacances. Depuis plusieurs années, Douz est le lieu de villégiature préféré de la petite famille. Le trio familial, friand de quad et de virées en 4x4, affectionne particulièrement la région et il y a pris ses habitudes. 2015, Mathieu a quinze ans, la force du premier âge et beaucoup d’envies, une énergie à revendre et des sensations à rechercher. Le quad l’attire et il s’y adonne. Nouveau prince dans le désert, le désert le remarque. Et la dune ouvre toute grande sa bouche béante… Dans cette région reculée, les secours sont nuls parce qu’inexistants. Le petit s’éteint pris par le dieu de la terre. Pas de voyeurisme, on partage aisément le chagrin des parents qui gardent pour eux leur douleur. Si leurs intimes larmes perlent sur le sable, le courage de ces gouttes d’eau, fussent-elles lacrymales, c’est qu’elles aient osé tomber dans le désert. Là où l’enfant est mort, il y aura la vie, décidons-le. Quatre ans plus tard, le chagrin est toujours présent. Discret, contenu, retenu, il ne se manifeste pas dans les relations sociales et personne n’en parle. Il a fallu surmonter l’épreuve et ce qui ne tue pas rend toujours plus fort. Le couple a aussitôt entrepris de faire construire un puits, un puits projeté puis creusé à 80 mètres sous le sol du désert, un puits pour amener l’eau là où leur enfant a été pris, là où il n’y avait plus de vie. « Bir Mathieu, à mon prince du désert », lit-on aujourd’hui sur la plaque attenante. Outre les formalités pour obtenir les autorisations requises, entreprendre sa construction, le fonctionnement du puits est effectif depuis le 12 avril 2016. Eric et Marie n’en restent pas là. Marie a ensuite eu l’idée d’organiser sur place un semi-marathon, une idée jaillie dans son esprit comme l’eau du puits, conçue pour perdurer le souvenir et tenir la dernière promesse qu’elle a faite à son enfant : le désert entendra très longtemps parler de lui. Elle a entrepris les démarches, cherché à connaître les aboutissants, les ficelles, les rouages. L’idée s’est répandue, le projet s’est divulgué. Azdine Ben Yacoub, l’ancien animateur de boxe tunisienne aujourd’hui reconverti en restaurateur près de Paris, moult fois organisateur du marathon des oasis, du semi-marathon de Djerba ou des week-ends trail à Tataouine dans le sud tunisien a tenu à inviter le couple à une conférence de presse donnée à Paris. Ils y ont rencontré Philippe Rémond, champion au palmarès impressionnant, ambassadeur du marathon français. Le garçon et sympa et affaire entendue, Philippe est devenu le parrain de la nouvelle course de Douz…. « 21 kilomètres pour Mathieu ». Avec le concours, l’aide et la protection du gouvernorat de Kébili, le gouverneur Sami Ghabi se montrant toujours très impliqué et investi, la première édition du semi marathon a été mise en place en 2017 et elle a aligné une centaine de coureurs au départ, initialement une soixante de Français, en grande partie des amis varois, proches et solidaires, venus en couples ou en familles se répartir sur l’un des deux épreuves proposées : les 21 km courus dans les dunes ou une randonnée pédestre de 10 km toute aussi éprouvante sous le soleil. Beaucoup de coureurs locaux se sont également alignés au départ. En 2018, la seconde édition s’est un peu plus étoffée. Le contingent français qui s’est déplacé était plus nombreux et le bouche à oreilles local a grossi le peloton. 140 coureurs au départ, l’épreuve s’est pérennisée et a donné aux organisateurs l’envie de poursuivre leurs efforts, très conséquents, et leurs investissements. D’un point de vue déjà historique, aux classements, c’est le Tunisien Lagaha Mosbah qui remporté les deux premières éditions. A deux reprises, le champion tunisien a imposé son talent en coiffant par deux fois le parrain français Philippe Rémond, 54 puis 55 ans, élogieux mais pas éternel second. Le Français Fabien Sévilla s’est lui classé deux fois troisième.

La 3ème édition s’est déroulée le 19 octobre dernier. Gage de réussite, semi-marathon et marche ont attiré encore plus de monde,: une bonne centaine de Français, des Algériens, deux Anglais, un Américain et de nombreux Tunisiens. Deux-cents participants étaient attendus samedi matin au départ du semi-marathon donné à 10h au puits Mathieu, à quelques kilomètres de Douz. Même si certains coureurs locaux n’ont pas donné suite à leur préinscription, le peloton bigarré lâché aux ordres du starter était conséquent et s’est longuement étiré sur les dunes… L’aube du samedi. La première heure du jour est encore fraiche, la nuit noire étoilée a laissé place au bleu marine puis le ciel s’est embrasé, orangé. La lumière est vite devenue blanche, éblouissante et le thermomètre, comme chaque jour, est grimpé à vue d’œil. Après un petit déjeuner matinal et copieux pris à l’hôtel, une préparation minutieuse de son équipement, l’acheminement en 4X4 ordonné au point de départ a été orchestré à 7h30. Le puits Mathieu est isolé dans le désert. Que du sable à perte de vue, dans toutes les directions. Une cuve, un bassin, un simple bâtiment ouvert, vide. La plaque blanche, inscrite en Arabe et en Français « Bir Mathieu, à mon prince du désert » attire l’œil et incite à la pause devant chaque photographe. Un recueil. Chacun puise dans ses pensées, imagine et compatit à la cause. Beaucoup de respect et d’admiration. Puis l’endroit précis localisé s’anime. Les voitures déposent petit à petit par petits paquets la totalité des participants. Il fait déjà chaud. Le portique et les infrastructures de départ sont mises en place. La télévision tunisienne filme et suscite des interviews. L’ombre du bâtiment recueille les plus timorés. On se blottit dans une ombre toujours plus courte, On écoute son entourage. Les plus expérimentés conseillent, on partage des impressions. Tout le monde appréhende l’effort qui va être à fournir. 21 kilomètres dans le sable. A 10 h, la température dépasse 35°. Le parcours est minutieusement balisé. On sait d’où on part mais on ne sait pas où on va, là-bas, de l’autre côté de la dune qui dessine l’horizon. On sait juste qu’il y a 21 kilomètres à parcourir et que, plombé par le soleil, ébloui par le soleil, il va falloir composer avec le sable fin. L’excitation est générale. Echauffement sans doute succinct pour beaucoup, échanges de petits drapeaux pour souligner l’amitié franco-tunisienne, applaudissements généreux. Et le départ est donné. La plupart des coureurs locaux, tous très jeunes, partent en trombe, sans ménagement de monture. Le cheminement de ce qui ressemble à une piste parce qu’il y est passé quelques véhicules tout terrain reste hasardeux. Prohibées les ornières sablonneuses, le coureur encore alerte cherche sur les bas côtés des appuis plus solides, quitte à slalomer entre les arbustes épineux. Le sable fin rend difficile la progression. Il s’insinue dans les chaussures, pénètre les chaussettes et prive vite les orteils recroquevillés de quelques pointures. Entre les premiers et les derniers, la différence est énorme et le peloton s’effile très vite. La chaleur est pesante, elle étouffe et assomme. Dès les premiers mètres, on comprend très vite la difficulté de l’épreuve. On serre les dents. On pense à Mathieu. 21 kilomètres durant, 21 kilomètres pour Mathieu. Les maillots et les tempes s’humectent puis perlent à grosses gouttes. Les ravitaillements en eau et en dattes sucrées sont fréquents, espacés tous les trois kilomètres. Tout cela est parfaitement bien organisé. Boire, humecter une bouche séchée. Dès qu’ils le peuvent, les coureurs se vident aussi des bouteilles entières sur leur crâne brûlant, dans leur dos et sur leurs jambes tétanisées. Dès le lâcher de bipèdes, quelques locomotives tunisiennes, impétueuses étirent le train, avec le souci de se faire remarquer. Omar Selih, Mahdi Brinis, Abdel Berouk sont présomptueux. Ils emmènent avec eux Philippe Rémond, tenu à bien se placer. A 56 ans, le Marseillais se montre toujours aussi fringant. Fabien Sévilla suit à quelques encablures. Le vainqueur des deux premières éditions, Lagaha Mosbah, a pris un départ plus timoré, peut-être encore émoussé par un 100 km couru quinze jours plus tôt et concède une bonne centaine de mètres. Mais le garçon prend vite des tours et ne tarde pas à profiter de l’ambiance ensoleillée pour chauffer son organisme et ses longues jambes effilées. Au cinquième kilomètre, il accélère et fond sur ses rivaux. En tête, le Tunisien poursuit son effort. Les cocottes des adversaires bourrinent dans les cages thoraciques. Lagaha est le favori, il convient de ne pas céder, jusqu’à l’asphyxie. Seul Philippe Rémond accroche la foulée de Lagaha et le duo prend le commandement. Les autres relâchent leur impétueux effort et finiront relégués loin dans le classement. Philippe Rémond sait à qui il a affaire. Le Français tient à sa revanche et, bien en cannes, gère sa course dans la partie le plus sablonneuse. Au quatorzième kilomètre, le parcours traverse une longue palmeraie. L’ombrage n’y est pas total, loin de là, mais le poids du soleil y est moins pesant. Et surtout le sol offre sur deux kilomètres un revêtement ponctuel plus tassé, plus dur, plus tonique. L’adversaire a chaud et a quitté son maillot, il ahane. Philippe force et son allure toujours un peu plus rapide finit par décramponner Lagah. Le Tunisien ne lutte plus, abdique et laisse filer son titre. Fatigué, fracturé au moral peut-être, il relâche et déroule. Il ne saura pas non plus, plus tard, résister au retour d’Abderrahim Zhiou qui, revenu du diable vauvert, viendra au final, lui subtiliser le seconde place. Seul en tête, Philippe Rémond n’a plus qu’à gérer pour gagner la ligne d’arrivée. Il la franchira avec quatre minutes d’avance sur le second, Abderrahim Zhiou, six sur son compagnon d’échappée, adversaire désigné du jour, Lagaha Mosbah. Fabien Sévilla est cette année quatrième. Le porche de l’hôtel, le gouverneur Sami Ghabi, la télévision tunisienne, les bénévoles attachés à l’organisation, le rythme d’une darbouka, la lancinance d’une guita et d’un mezoued résonnants, Eric et Marie, accueillent d’abord en héros le vainqueur du jour comme ils honoreront les dizaines de coureurs éreintés qui vont le suivre. Première féminine, Hendaoui Chefia devance sa compatriote Imen Sassi et la Française Caroline Turpin, toute heureuse de sa performance. Les jambes sont certes un peu lourdes mais le cœur est si léger. La course est ici retranscrite, mais comment les émotions peuvent-elles se raconter ? Il faut les avoir vécues pour se rendre vraiment compte. Samedi soir fut fête. Tunisiens et français sont rentrés chez eux repus, courbatus mais comblés, la tête remplie d’images et de sens, heureux, vidés mais rechargés. Mohamed Essayem, commissaire de l’office du tourisme tunisien, partenaire de l’épreuve, saura, lors de son oratoire au briefing, trouver les mots justes : l’amour d’un enfant perdu a révélé le sentiment d’amitié qui lie les gens, Français et Tunisiens, tous unis dans le même effort. On ne rentre pas de 21 km pour Mathieu comme on en est parti. Trêve de salamalecs. Dans la plus grande discrétion, au bout de leurs forces, Eric et Marie ont bâché leur manège. Rendez-vous est donné le 18 octobre 2020. N’en rêvons pas, faisons ou refaisons-le. Branchez-vous : « associationpourmathieu .fr » et Inch’Allah.

 

 

 Jules de Singo. Toutes les photos : ICI



Transgrancanaria ultra trail 19, combats contre un volcan !

Pas d’eden pour Hayden. Les étoiles une à une s’éteignent et le jour naissant inonde de lumière blanche les hauteurs de l’île. La nuit si longue et si claire a laissé la place aux premières brumes de chaleur. Prétendant échappé de la première heure avec l’homme qu’il veut et qu’il sait devoir battre, l’Américain Hayden Hawks réalise le pire. Son moteur est en surrégime et il est obligé de laisser filer son outrageant adversaire. Impuissant, il décroche, laissant s’échapper compagnon d’une nuit et quête de gloire. Pire, derrière lui, son poursuivant direct, sur lequel il comptait plus de quinze minutes d’avance, l’a rattrapé, puis dépassé, sans sourciller. Aux deux-tiers de la course, à l’heure où l’aube blanchit le ciel et la mer, après avoir fourni 85 km d’efforts et gravi plus de 6500 mètres de dénivelé positif, Hayden se rend à l’évidence. Son corps est meurtri, son esprit a perdu sa lucidité. Dérapant  dorénavant à chaque pas sur la caillasse ingrate, à la lumière sommaire d’une frontale au faisceau vacillant, Hayden rejoint titubant et tremblant le check point 8 perché sur l’un des points culminants de l’île. Son corps émacié entier est pris de convulsions, son visage est creusé, ses pommettes saillantes, ses yeux exorbités. Il est cuit. Son coach lui parle doucement. Il écoute attentivement les encouragements prodigués. Les minutes s’égrènent. Un peu de solides, de liquide, l’aiguille du manomètre reste largement sous la réserve. Au courage, Hayden finit par repartir, malgré lui, telle une machine. Il lui reste 42 km, essentiellement de la descente, pour rallier l’arrivée. Il n’y parviendra pas. La vingtième édition de l’ultra-trail de la Transgrancanaria confirme que l’épreuve, pérennisée, est aujourd’hui un rendez-vous incontournable de la discipline, tant par l’engouement international qu’elle confère que par sa popularité et  par la qualité du plateau mondial des athlètes engagés. Entre ciel, terre et mer, entre soleil et roches de feu, la Transgrancanaria a une nouvelle fois fait planer ses adeptes, jusqu’au-boutistes, dans la douleur et pour leur bonheur tout personnel. L’épreuve mobilise depuis 20 ans une bonne équipe, des centaines de bénévoles solides, professionnels, rôdés. Pendant plus de cinq jours, l’île entière fête la course à pied. Et si le point d’orgue de la manifestation reste la traversée de l’île du nord au sud, la 3ème manche de l’Ultra-Trail World Tour courue sur 128 km, les adeptes de la discipline ont largement eu le choix de s’exercer à leur passion sur 17, 30, 42, 65, voire même 264 kilomètres. La porte aux endorphines reste ouverte à tous. Le terrain de jeu que propose l‘organisation de la Transgrancanaria sur chacune de ces distances est une succession de cartes postales, une traversée de paysages divers alternant mer et montagne, crêtes et cratères, ciel et volcans, roches et pinèdes, du bleu ouaté de l’azur au noir de la roche basaltique. La Grande Canarie est l'une des îles Canaries espagnoles, au large de la côte nord-ouest de l'Afrique. Elle est connue pour ses plages de sable blanc. Si la capitale de Las Palmas constitue une halte importante pour les bateaux de croisière et pour le shopping en duty-free, l'intérieur de l'île reste rural et montagneux. Bloc de terre jailli de l’eau sous la pression des volcans, l’énorme récif circulaire de 1560 km2 est semblable à une grosse larme perlée. D’un rivage très étroit, le roc s’élève rapidement en pentes abruptes. Au niveau de l’eau, la végétation est rare, sèche, limitée à quelques cactus et palmiers épars. Du départ du 128 km donné sur la plage Las Palmas, le peloton effilé s’est vite dégagé du tumulte organisé autour de son lâcher, animateurs vociférant, foule compacte, bandas endiablés et feu d’artifice, avant d’entamer, dans la nuit noire et le silence retrouvé, l’ascension des cônes volcaniques. 7500 mètres de dénivelé cumulé pour l’épreuve reine transgrancanarienne, de quoi prendre de la hauteur, retrouver la fraicheur inhérente à la nuit et à l’altitude aux senteurs exhalées des pinèdes, de quoi faire plaisir au cœur, aux yeux et aux jambes des concurrents venus des quatre coins du monde. 35 nationalités différentes, une grande barque de Noé, résolue à ne pas s’échouer, venue défier les lois de Babel comme celles du bons sens. Un microcosme de gens unis par la même passion, un même monde, un monde basé sur la recherche des sensations de la vie, un monde de partages comme nous devrions tous l’aimer. Près de 7000 coureurs répartis sur six courses se sont donc retrouvés à partager leurs foulées bercées par le ressac des vagues ou rythmées en cadence, en file indienne, sur les sentes monotraces qui jalonnent en ascension, en dévers ou en toboggans le caillou canarien. Sans chercher à insuffler tant de soucis dans les détails, l’histoire retiendra que, lors de cette 20ème édition, Chama Martinez et Luna de Brien se sont imposés sur le 17 km (300 d+), Marten Boström et Sheila Avilès remportent le 30 km (700 d+), Pablo Bazaga et Katarzyna Dolinska avaient ensemble ouvert le bal le samedi sur 42 km (1000 d+) et que l’ultra-sympathique touffu italien, Luca Papi, tout droit débarqué d’Eurodisney, non content d’avoir dominé les 264 km (13000 d+) en a rajouté une couche en se présentant douze heures plus tard au départ nocturne du rendez-vous best of the world du 128 km (7500 d+). Un exploit incommensurable. Parce que si un événement a plus particulièrement attiré l’attention des médias présents, c’était bien celui de la 3ème manche de l’Ultra-Trail World Tour (UTWT) qui met en lice chaque année les meilleurs spécialistes mondiaux de la discipline pour en établir une hiérarchie. Après Hong-Kong et la Nouvelle-Zélande, welcome to Canaria. Au départ, les pronostics des spécialistes exprimaient leurs certitudes. L’Espagnol, Pau Capell et la Chinoise Miao Yao, détenteurs des titres UTWT 2018, apparaissaient comme les plus évidents favoris. Mais personne ne déconsidérait le challenge relevé par l’Américain Hayden Hawks, arrivé depuis des semaines sur une terre qu’il entendait bien conquérir avant de s’aventurer, pourquoi pas, à des rêves de gloire, tout aussi insensés que sans doute calculés, comme prétendre aux lauriers sur le prochain UTMB. Samedi, la foule extravertie s’est rassemblée au point de départ, à Las Palmas, au nord de l’île, sur le sable bercé par les vagues, sur les terrasses des bars pleines à craquer, des restaurants pleins à croquer, au son d’une musique festive jouée tambour battant à tue tête par un orchestre invité à chauffer la ruée. Le départ de l’ultra est donné à 23 h. La nuit noire recouvre déjà la capitale de son manteau scintillant. La température est encore douce. Quelle agitation sous les portiques ! Maillots bigarrés, tenues adaptées, bidons harnachés et frontales allumées. Le rendez-vous est un succès. Deux animateurs, en éloquents élèves de Cervantès, hurlent leurs propos et illustrent auditivement l’image que l’Espagnol est une langue qui se parle fort. « Quatro, très, dos, uno, Venga ! ». Et sous les cris d’ « Animo», le départ est donné et les engagés sont partis. Malgré l’heure tardive, le monde spectateur est là. Il encourage, il offre sa haie d’honneur, étrique le passage, vocifère ses encouragements. Le serpentin s’effrite dès le départ, s’éloigne sur la plage et n’a de cesse de s’étirer. Les frontales, faisceau devant, catadioptres rouges incandescentes derrière, illuminent comme une guirlande dans la nuit noire les premiers kilomètres de sable traversés en grandes enjambées. C’est d’abord roulant. Chaque coureur entame son combat contre le volcan, il gravit son échine, s’apprête à livrer un combat éreintant, pense plus ou moins à gérer le début d’une course perçue comme longue. Les lumières de la ville délaissée s’effacent et font apparaître celles des étoiles sous l’arche encrée. Les regards furtifs jetés en contrebas laissent tantôt apercevoir une mer de remous blancs et cotonneux, Les exigences topographiques de l’épreuve sont certaines mais elles ne sont pas la première difficulté. Les seize premiers kilomètres invitent les coureurs, via la plage, à sortir de la ville. Pour les premiers, le galop est rapide. Pour tous, Vulcain ne sera pas si facile à vaincre. Chacun a en tête que ce n’est que le début facile d’un âpre combat, un combat sur soi, que le plus dur n’est pas fini. Sans surprise, Pau Capell et Haydens Hawks n’attendent pas le reste. Un millier de troupiers lancés à leurs trousses, ils s’envolent de concert et creusent ensemble un bel écart. Au premier check point, après 16 km, les deux rivaux annoncés comptent déjà douze minutes d’avance sur leurs premiers poursuivants. Au-delà, la sente entre en sous bois et s’élève vertigineusement. Les spectateurs cocorico se félicitent que parmi les chasse-patates, les Français Julien Chorier, Ugo Ferrari et son frère cadet Aubin, Tony Moulai se montrent parmi les animateurs les plus éloquents. Pablo Villa, Cristofer Clémente, Luis Fernandez, Alberto Vinagre leur partagent les rôles de rats et souris.  A mi-course, on se demande toujours qui de Pau ou de Hayden cassera le premier sa tirelire. Leur confortable avance de douze minutes s’est stabilisée. Derrière leur locomotive, l’ordre des wagons semble se dessiner. Pablo est 3ème, Julien 4ème, Cristopher 5ème, Luis 6ème, Ugo 7ème. Chacun suit l’autre à distance mesurée. Aux sommets, Hayden sera le premier à montrer des signes de fatigue. Il se fait décramponner par son adversaire, rame contre une falaise, lutte sans empêcher le retour de Pablo. Au check point 8, son immense lassitude est bien visible. Il poursuit à bout, sans âme. Julien Chorier marque un temps et de fait déborder par Cristofer. C’est de bonne guerre. Le local canarien lancé, rattrapera Hayden dans la descente. L’Américain abandonnera et lui laissera, amer sans doute, le regret d’une marche de podium évanouie. 12 heures de course ont sonné sur le chronomètre. Le clocher de Meloneras voit ses deux aiguilles poindre sur le douze. Pau Capell caracole toujours en tête, 50 minutes d’avance sur la concurrence directe. Partout, les habitants sortent, clament, acclament, offrent leurs services, leurs arrosages des terrasses, un abreuvoir sur le trottoir, de l’eau. L’île entière est mobilisée. Deux kilomètres interminables de chaussée goudronnée au cœur de Meloneras. Enfin la ligne d’arrivée, salvatrice. La foule ; constituée des concurrents des autres courses déjà rendus sont restés au rendez-vous. Une arrivée et une victoire de haut vol. Portiques colorés, drapeaux, animation, musique, cris et pluie de paillettes sur le vainqueur… La fiesta. Le premier d’une très longue série. Pablo est second, Cristofer 3ème. Les premiers Français, Julien Chorier 4ème et Romain Olivier 6ème intègrent le top 10. Pour tous, le regard sur soi a apporté beaucoup d’autosatisfaction. Vulcain est enfin terrassé. Parallèlement, chez les féminines, la principale favorite Miao Yao n’a pas, dans un premier temps, dérogé à son statut, creusant inexorablement une avance de plus en plus importante avec la cavalerie de la gente féminine. Sans discernement, elle a une nouvelle fois affirmé une indiscutable supériorité. Dominatrice, la Chinoise n’est guère inquiétée. A mi-course, sa dauphine, la Polonaise Magdalena Larzac est pointée à une année lumière. Mais qu’est-il+ arrivé à la belle Asiatique ? A l’aube, Miao n’apparait plus sur les téléscripteurs. Une malencontreuse chute la contraint à l’abandon. Magdaléna Larzac n’en demandait pas tant. C’est elle qui rejoint la première l’arrivée et se couvre de lauriers. devant Kaytlin Gerbin et Fernanda Maciel ses deux dauphines. Après 24 courtes heures de repos, la remise des récompenses dans l’amphithéâtre comble du palais des congrès est conséquente. Beaucoup de coureurs, de personnalités, sont mises à l’honneur. Les masques de douleur ont retrouvé de larges sourires. La fête est terminée. Le manège retrouve sa bâche et attend déjà 2020.

Texte : Brice de Singo, Quelques photos ICI


Le marathon des Seychelles ou le paradis retrouvé !

Un marathon au Seychelles, cela ne se refuse pas. On a tous en mémoire ces images de carte postale de plage immaculée entourée de quelques palmiers tarabiscotés et des rochers immenses de granit rose. Aussi quand on m’a demandé de venir couvrir cet Eco’Friendly marathon, dixième du nom, j’ai bien évidemment dit banco !

 6h30. Plage de Beauvallon. Nord Ouest des Seychelles. Dimanche 26 février. Il pleut. Mais pas une petite pluie de fin de printemps en France. Non, non une bonne pluie torrentielle des Tropiques. Vous savez le truc qui donne l’impression que quelqu’un là-haut a laissé le robinet grand ouvert. L’expression il pleut à torrents n’a jamais aussi bien porté son nom. Même les quelques mètres d’échauffement prennent alors des allures de supplice. Bien sûr du coup, la température est un peu plus douce. Mais encore. Peut-être 28°C au lieu des 32°C habituels ? Allez savoir ! Nous sommes tous serrés les uns contre les autres à attendre le coup de pistolet libérateur. Plus que dix minutes. Tant pis pour l’échauffement recommandé. Ici de toute façon, tout le monde est chaud très vite. Cette proximité non voulue, ce rapprochement forcé, nous permet au moins de faire des connaissances. Je me trouve coincé entre une bénévole locale en charge d’un poste de ravitaillement à l’arrivée et une coureuse bien affûtée en tenue hyper ligth et donc elle aussi mouillée de la tête aux pieds. Elle me dit qu’elle a gagné l’épreuve l’an passé et que l’organisation l’a donc invité à revenir pour défendre son titre. C’est cool les Seychelles. Elle se prénomme Olivia et me raconte aussi qu’en 2016 donc, il faisait vraiment très chaud et qu’elle a remonté et remonté des concurrents complètement déshydratés au fil des kilomètres pour finalement prendre la troisième place au général. Wouaahh ! Hyper encourageant tout ça !  Le départ prend du retard. Sous ce déluge, il est difficile de mettre en place quoique ce soit et même si les Seychellois sont forcément rôdés à ces épisodes météorologiques pour le moins intenses, il faut savoir s’adapter. Et dire que la veille, la pluie ainsi est tombée durant trois heures sans baisser d’intensité. Cela laisse perplexe.  Peut-être que finalement, ce sera toujours mieux que le gros soleil ? Car j’ai encore en mémoire mon entraînement d’il y a deux jours, à la sortie de l’avion et l’humidité proche des 90% mêlées donc à une chaleur accablante, m’ont littéralement scotché sur place. Ici, on ne vient pas pour battre un chrono ou pour faire le fanfaron. On vient pour terminer et ce n’est déjà pas si mal. Les chronos des années passés parlent d’eux-mêmes. 3h30’ pour le vainqueur 2016 qui est d’ailleurs au départ. Simon, la gloire locale. Le parcours avec ses 1000m de D+, voire un peu plus, est aussi là pour vous rappeler à l’ordre. C’est une épreuve vraiment rude, rugueuse et si vous n’avez pas trop de temps pour vous familiariser avec la météo, alors il faudra juste se contenter d’aller le plus lentement possible pour juste franchir la ligne d’arrivée.  A 7h20 pourtant, le départ est enfin donné… et miracle, la pluie se calme un peu. C’est la première vague avec ceux du marathon et du semi mélangés. Ensuite, une demi-heure plus tard, ce sera le tour des coureurs du 5 et du 10 km. En tout peut-être 2000 personnes, pas loin des 3000 et beaucoup, beaucoup d’enfants. Nombreux sont ceux, aussi, qui n’ont pas fait le déplacement, calmés par la météo. On s’en doute.  Le début du marathon nous fait faire une petite boucle de 5km dans Beauvallon, comme un aller-retour assez difficile psychologiquement car quand on repasse devant la ligne de départ, on sait que c’est très loin d’être fini. Deux hommes ont pris la tête d’emblée. Geno Belle, le Seychellois, roi du marathon, et Iven Moïse, son pote, intouchable sur semi, déjà deux fois vainqueur ici même.  Derrière eux, de nombreuses nationalités sont représentées. Des Tchéques, des Sud-Africains, des Coréens aussi et c’est bien normal puisque l’instigateur principal du marathon n’est autre que l’ambassadeur de Corée aux Seychelles… Je sens d’emblée que ça va être très très dur. Et je suis surpris de ne trouver que de l’eau sur les ravitaillements. Je me dis que c’est peut-être juste sur le premier et pourtant non sur le deuxième et puis le troisième, juste de l’eau et des éponges fraîches. Ouf !  Pour moi qui suis parti hyper light avec juste deux petits gels en poche et ma gourde en main, cela va vite devenir « mission impossible » ! J’essaye de profiter un peu du paysage. Sur les bas-côtés en effet, c’est une suite de places plus magnifiques les unes que les autres. Malheureusement, le parcours n’étant jamais totalement plat, on ne peut guère se laisser aller à rêvasser. Cela fait mal de monter sous la chaleur revenue. Je sais que devant, ils sont une poignée à se défendre le titre 2017. Je ne sais pas combien exactement mais c’est le cadet de mes soucis en ce moment. J’ai réduit mon allure volontairement et j’essaye de penser à autre chose. Pourtant vers le 13ème km, c’est aussi une occasion de faire demi-tour. C’est le point en effet de pointage et de retour pour tous ceux qui sont inscrits sur le semi. Je n’ai vu qu’un seul coureur revenir en sens inverse. Sachant que je n’aurais de toute façon pas assez à manger pour tenter d’aller au bout, pour en gros 3h45 d’effort tout de même, j’explique ma situation aux gars de l’organisation sur place et ils décident de me faire basculer sur le semi. Alléluia. Je n’en demandais pas tant. Mais bon un semi dans ces conditions, cela me convient tout à fait. Je préfère ne pas avoir à subir les journées suivantes à récupérer mais plutôt profiter d’autres excursions sécheylloises à venir. Je remets donc un petit coup d’accélérateur entre le 13ème et le 18ème histoire de prendre un peu d’avance pour consolider cette deuxième place, qui avouons-le, ne veut pas dire grand-chose aujourd’hui, mais je vais avoir tellement de mal à boucler mon périple que je m’insulte presque en me disant que je n’aurais jamais dû ainsi accélérer. Ici, pas le choix, dès que vous allez un peu trop vite, vous le payez cash juste après ! A 3 km de la ligne, c’est aussi le moment où l’on se retrouve mélangé à ceux du 10km et aussi à la fin du 5km. Véritable marée humaine qui essaye de se faire un petit chemin entre les voitures et les bus. Moment un peu à part pour un marathon hors norme, pour le moins floklore. Ici il faut oublier tous ceux que l’on sait de nos organisations françaises bien carrées et huilées. La circulation n’est tout simplement pas coupée. Il faut faire attention à une voiture qui peut vous serrer de trop près. Cela fait partie du décor. Un petit bout d’Afrique finalement qui s’offre à nous. Cela ne me dérange pas outre mesure. De toutes façons, sur la fin, les voitures forment un gros bouchon comme une sortie de boulot sur la rocade. Sur le moment, les coureurs ont la priorité puisqu’ils vont plus vite.  Je suis content de terminer même si complètement HS. Je me dirige aussitôt vers le ravitaillement pour boire de tout mon saoul. De l’eau, des jus locaux, tout y passe. J’ai même droit, en tant que participant au semi du coup, à une coco toute fraîche. Un vrai régal après ce que l’on vient de subir. J’ai plus qu’à retirer mes baskets détrempées pour me plonger dans l’Océan Indien qui borde l’arrivée. Enorme sensation. La température descend d’un coup. Je reviendrais quelques minutes après sur la ligne avec mon appareil photo. C’est la Coréenne Sunmi Moon qui va l’emporter cette année en moins de 4h sur le marathon. Olivia, la fille du départ, Peytour de son nom, prendra quand même la deuxième place, complètement exténuée. Au bout du rouleau. Elle qui connait pourtant si bien les lieux et ces conditions pour avoir habité plus d’un an sur place. Geno Belle gagne l’épreuve reine donc mais ses adversaires ne sont pas si loin. 3h03’ pour lui. 3h04’ pour un Sud-Africain et 3h06’ pour un Coréen. Cela s’est joué dans un mouchoir de poche finalement ! Je retrouverais plus tard mes collègues français, venus également se tester sur cette épreuve hors-norme. Chacun aura tenté une distance précise, selon sa forme et son niveau. Pourtant je ne peux qu’attribuer une petite mention particulière à Olivier qui sera le seul à aller au bout du marathon. En 7h certes mais c’est déjà énorme.  Le marathon se finira officiellement le soir même à l’hôtel partenaire, le Barjaya, par une remise des prix tout à fait grandiose dans le cadre des échanges entre les Seychelles et la Corée du Sud. Petits fours, tenues de soirée, présence des plus hautes autorités locales, repas de gala et remise haute en couleurs avec prix et primes distribués aux cinq premières hommes et femmes des deux courses : semi et marathon. Vraiment un grand moment comme on en vit peu en France.

C’est ça aussi les Seychelles !

 

 



Runfire Cappadoccia 2016 : entre enfer et paradis !

Bien sûr, il y a le dépassement de soi, la recherche de ses extrêmes limites, le regard sur soi, une introspection qui pousse l’ultra marathonien dans ses derniers retranchements. Plus l’épreuve est difficile, plus l’extase est grande. Le Runfire Cappadocia est certainement l’un des ultra-marathons les plus difficiles au monde. La course du feu. Six jours d’enfer à vivre au paradis. Les règles sont strictes, le décor grandiose. En juillet, en Turquie, il fait chaud, si chaud. Bâté, le concurrent charrie sur son dos une autonomie complète. Ainsi, il part vigoureux. Jusqu’à l’épuisement, il portera ses pieds l’un devant l’autre. Six jours durant.  Pour la cinquième année consécutive, l'aventure s’est perpétuée au royaume de Cappadoce, sans doute le plus beau terrain de jeu au monde. La création du site a été sans doute conçue par un dieu en délire. Nulle part ailleurs, la géologie ne montre pareilles bizarreries. Les concrétions démentielles rendent le décor féérique. Le terrain de jeu classé par l’Unesco comme l’un des plus beaux sites historiques est tellement unique qu’on se demande s’il est vraiment terrestre. L’organisation Uzunetap, dirigée par le docteur Taner Damci, est réglée comme du papier musique que distillerait un orgue de barbarie et sait livrer de formidables prestations. Le Runfire Cappadocia Ultra Marathon est une course mobile, itinérante courue en six étapes sur 240 km au sein d'un site historique considéré comme un héritage culturel unique sur notre bonne Terre, celle que l’on aime tant fouler. Elle offre aux participants la chaleur du désert, l'atmosphère mystique d’un décor hors normes et un environnement naturel aussi surprenant que varié. C’est beau, très beau, aussi beau que difficile. Le Runfire Cappadocia s’est déroulé cette année du 23 au 31 juillet sous différentes formes. L’ultra marathon a traversé de part en part la contrée sur 260 kilomètres courus en six étapes pendant six jours. En autonomie complète, le traileur a couru l’épreuve en embarquant dans son sac le matériel obligatoire et tout ce dont il a pu avoir besoin. Seul l’eau et une toile de tente ont mises quotidiennement à sa disposition, sur des camps de toiles de toiles d’Anatolie dressées chaque jour en pleine nature et sous les étoiles. La course débutée à Uçhisar, a traversé les vallées de Pigeon, Ürgüp, Göreme et Ihlara et offert une expérience unique quand il a fallu franchir le lac salé. Parallèlement, deux autres versions ont été proposées.  6G ou 4G, 4 étapes, six ou quatre étapes en 6 ou 4 jours, d’une vingtaine de kilimètres par jour, sans contrainte d’autonomie ou de sac à charrier. La dernière possibilité a consisté à courir une seule étape de 100 kilomètres. Un truc de fous. Les caractéristiques principales qui font la beauté et la difficulté de l’épreuve sont multiples. Il y a d’abord le décor, la Cappadoce, connue pour ses paysages pittoresques résultant du volcanisme et de l'érosion, pour ses églises rupestres ornées de fresques, pour ses habitations troglodytiques et ses cités souterraines. Et Tuz Golu, le lac salé. Des étendues de terre où l’horizon se perd dans la multiplication des couleurs. La lumière y est vive, l’air caressant, le jardin édénique. Les arbres croulent sous le poids des fruits sucrés. Il n’y a qu’un bras à tendre. A perte de vue les champs de fleurs s’étendent. Du rouge, du vert, du bleu, du jaune. Les prés verdoient. Les blés sont blonds et les moissonneuses de nos grands pères s’affairent encore. Un berger et ses chiens cadrent de paisibles moutons. Les pierres noires que les volcans ont rejetées et que les rivières ont drainées parsèment le sol. Puis viennent le sable, le sel qui donnent au plat un goût sublime de paradis. Le dépaysement est total. La terre en Cappadoce est parsemée d’enclaves, autant de caves grotesques que de grottes concaves. Point de départ et d’arrivée, le rocher d’Uchisar est un gruyère géologique, une curiosité classée. A des kilomètres à la ronde, les habitations troglodytes donnent un sens au mot terrien que nous sommes. Plus il y a de gruyère, plus il y a de trous. Et les coureurs s’en vont, GPS en mains pour unique balise. Bondissants, ils rebondissent au-delà des alvéoles peu communes, aussi surprenantes qu’elles ponctuent un chemin tortueux qui torture le voyageur. Aussi pressé qu’il soit, le temps s’est ici figé. Immuable cadre. Indescriptible décor. Rien ne sert de courir, autant flâner tant la nature est belle et préservée. L’ultra marathon se dispute dans un environnement difficile, semé d’obstacles. La caravane traverse Uchisar, Urgup, Göreme, Nevsehir, Hasandag. Elle longe ensuite les rivages brûlants de Tuz Gölu, du Lac Salé. Le circuit de l’ultra trail totalise 260 km, prend parfois de l’altitude. La course longue et difficile emporte le peloton sur des sites naturels somptueux, des villes, des champs, la montagne, des lacs, quelques tunnels et des rivages de cristaux blancs. Si les quatre premières étapes totalisent chacune une trentaine de kilomètres. La cinquième est hors normes. Courue à travers champs sous une chaleur d’enfer, sans ombre possible et avec les reflets éblouissants du sel sur un sol meuble, elle compte près de cent bornes. Chaque centimètre carré de peau est livré aux rougeoiements. Aux chaleurs du jour qui écrasent le sac sur les épaules succèdent les fraicheurs de la nuit. Les torches s’allument sur les fronts dégoulinants. La première, une comète sud appelée Erica parcourra le relais en moins de douze heures, les derniers auront besoin d’une révolution. Tous resteront bornés sur leur réussite, l’accession au bout du voyage. Cent bornes de sol ingrat, une volonté peu commune. De l’extra ordinaire extraordinaire. Le dernier volet de l’épreuve, plus court, a ramené l’ultra-marathonien à son point de départ, l’a délivré du poids de son sac, de ce qu’il porte au fond de lui, de tout ce qui lui pesait tant : son vécu, ses ennuis, ses doutes, son stress. Il rentre vidé. Vidé et rechargé. Heureux. Seuls ses pieds meurtris de pèlerin gardent les traces de son aventure et de son périple.  Parce qu’au décor idyllique, aux difficultés que revêt l’étendue du parcours et à la longueur de l’épreuve, il convint de corser l’épreuve par des règles strictes, peu communes. Une autre particularité du Runfire Cappadocia réside dans l’autosuffisance assumée par chacun de ses coureurs. Chaque participant doit emmener dans son propre sac un équipement nécessaire et obligatoire, et toute la nourriture qu’il consommera durant sa semaine de sacerdoce. Nul ne peut déroger aux règles. Un simple cornet de glace glané à la traversée d’un village, un croûton de pain ou un fruit dérobé à la nuitée sur le site du camping entraine une irrévocable disqualification. Que ceux qui pêchent reçoivent la première pierre. Seule l’eau est fournie à volonté sur les lieux définis, tout autant au camp dressé chaque soir que sur les points précis de ravitaillement en course.  La communauté traverse ainsi sept jours durant une formidable aventure humaine. Aux efforts et aux recueils personnels, il convient de mentionner l’esprit collectif et l’accueil réservé. Têtes de  Turcs, chiottes turcs, forts comme des Turcs, la compétence, la vigilance, les attentions, la gentillesse et les prestations offertes par les membres de l’organisation furent à la hauteur des difficultés de l’épreuve. Mention excellence au peuple qui reçoit. Tambours et chants accompagnent le refrain. Deux Canadiens, un Danois, une Egyptienne, Un Koweitien, Un Anglais, un Allemand, un Français, se sont joints aux quatre-vingts fondus partants. Au-delà de l’aboutissement de chacun survient l’extase. Des images gravées à jamais dans un coin de l’ordinateur ou au fond des mémoires. Le souvenir d’une aventure peu commune. Un voyage d’enfer couru au bout du paradis. Runfire Cappadoce, souvenez vous vous aussi. Que les plus timorés s’abstiennent. Retenez juste que la grandeur de l’épreuve fait la grandeur de l’âme. Et qu’une telle course est sans doute inégalable.

Brice de Singo (bricero@laposte.net)

 

 

 

 

 



Les foulées de Mégara 2016 : évasion à la Marsa

A peine sorti de l’aéroport de Tunis, aveuglé par la lumière, on prend tout de suite conscience de la chaleur ambiante. Nul malaise, aucune insécurité, même voilée. Même voilé, le ciel inonde d’ombres blanches l’étendue du décor. Ici le bleu et le blanc s’unissent. Dans la poussière ambiante, le trafic s’écoule sur de larges voies. Tout est clair, éclairé. Une autoroute, des habitations cubiques, blanches, éblouissantes, à perte de vue. Des immeubles, à quatre, à six étages, guère plus. Pas de gratte-ciel. Des terrasses, des  paraboles, du linge qui sèche, de gros placards publicitaires en arabe, en français, en anglais. Au-delà de la zone industrielle, des palmiers, une mosquée. Le taxi emporte le visiteur vers sa destinée, il prend la direction de Carthage, nous achemine à la Marsa, dans les faubourgs de la cité antique, au cœur des mégaras, des jardins carthaginois. De là, des siècles nous contemplent. La Marsa, célèbre station balnéaire entre Tunis et Carthage, offre un cadre de banlieue huppée. La ville regroupe aujourd'hui de nombreuses résidences d'ambassadeurs, de luxueuses villas, des hôtels chics, peu de touristes en ce début de printemps. Au-delà des collines, la mer s’étend d’un bleu turquois, à perte de vue. Le doux clapotis des vagues apaise le promeneur. La plage est belle. La ville possède encore de nombreux sites archéologiques, romains pour la plupart, classés au patrimoine mondial de l'Unesco. Les bâtiments séculaires qui bordent la baie confèrent au cachet. C’est beau, c’est très beau et çà vaut quelques cartes postales. Depuis le printemps arabe, les Tunisiens ont le vent de la démocratie en poupe. Il souffle sur la jeunesse, omniprésente. Un pas a été franchi. Les choses ont évolué. Les autochtones restent des gens charmants, mesurés, accueillants. Les événements ont certes quelque peu effrayé les touristes prudents. Mais on y revient. Il fait toujours aussi bon aller en Tunisie. Les foulées du Mégara. Un semi marathon est réservé aux coureurs les plus entrainés et une course populaire de cinq kilomètres fait l’engouement des plus néophytes. Riadh Ben Zazia préside l’association organisatrice et coordonne avec brio l’épreuve. Attentif aux attentes de chacun, l’homme maitrise aujourd’hui son sujet et la huitième édition de l’épreuve s’est une nouvelle fois avérée une réussite. L’équipe d’une centaine de bénévoles est maintenant rôdée. Un succès croissant. Près de deux mille coureurs se sont réunis sur les deux courses, près de huit cents sur le semi. Trente nationalités différentes :, des Marocains, des Algériens, des Européens, des Américains... et le bon gratin tunisien, l’élite sportive du pays. Au-delà de l’exploit, de la performance, subsistent de maitres mots, la convivialité, les échanges, la fraternité, le dépassement de soi. Pour la première fois, il a fallu s’acquitter de droits d’inscription, un euros cinquante par bulletin pour financer la mise en place d’un chronométrage individuel par puce. Le progrès ne s’arrête jamais, la course se modernise. Il est difficile de concevoir pour un Tunisien confronté aux difficultés économiques de son pays de devoir s’acquitter de dépenses plus importantes. Pourtant, avec le concours de précieux sponsors, Riadh et ses partenaires ont pu et su mettre en place une nouvelle fois une organisation irréprochable. L’événement est marquant, le rendez-vous est désormais incontournable. Médias, télévision sont présents. Et le ministre des sports tunisien en personne participe lui aussi au galop.  A l’arrivée, une médaille souvenir a été offerte à l’arrivée tous les participants. Ce fuit une très grande fête. Et, au comble, la course fut sublime. Une bien jolie épreuve. Fouler les mégaras, antiques jardins carthaginois. Après quelques jours de grisaille, le soleil lui aussi s’est levé pour honorer l’effort consenti par tous. La foule envahit de bonne heure la promenade, la circulation est coupée. On s’agite. Le départ donné sur le boulevard face à la mer. Il faut au peloton dense qui s’étire dès les premiers hectomètres emprunter les boulevards bordés de palmiers, parcourir une large boucle aller retour de la Marsa à Carthage. De longues lignes droites, la visite pédestre des principales artères du site, l’ascension répétée de collines, de pentes douces, de descentes répétées vers le front de mer. On voit des maillots de toutes les couleurs, bigarrés, vite mouillés. On suit des ballons que trainent des meneurs d’allure dans leur sillage. Chacun repère la couleur du sien. Des hommes et des femmes élancés que tout unit. D’un premier échange avec un Américain, vous partagez vos foulées aux mêmes pas cadencés que quelques coureurs locaux. Un Allemand se joint au groupe. Le groupe se scinde. Certains lâchent prise. D’autres accélèrent, faussent votre compagnie. Le train emporte votre propre foulée. Tous s’unissent dans le même effort. Un semi marathon international est toujours  grand moment. Devant… Peu ou prou de temps pour admirer le rivage ou le céleste décor. Sans tergiversations, à un rythme effréné, les deux militaires Wissem Hosni et Tarak Hacheni auront vite fait de creuser un écart décisif et, dans leur lutte fratricide, unis par une foulée synchronisée, calés l’un derrière l’autre, mus par le même mouvement, les deux hommes se taperont la bourre jusqu’au treizième kilomètre. Là, aux deux tiers de la distance à parcourir, le premier portera l’estocade et, en accélérant franchement, distancera le second. Wissem vainc. Il clôt le semi en 1h04’35’’, cinquante secondes avant son poursuivant, un chronomètre bien remarquable et remarqué au regard de la difficulté du parcours. La première dame, Mahbouba, huitième du scratch, gagne en 1h16’31. Des performances dignes de l’élite mondiale. Mais qu’importe le classement, l’essentiel était partie prenante de la fête, une liesse populaire, de tous âges, dynamique, tunisienne, internationale, heureuse d’être là, d’avoir couru et foulé le mégara.

Brice de Singo.

 

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Iznik ultra trail, un lac, quatre courses et Manu...

Entre pierres et oliviers, Donald, Mahmut, Manu, Aykut, Zoé, Elena, Pietr, Peter, Oliver, Pierre et Olivier… Le trail d’Iznik, en Turquie, est sans doute aujourd’hui l’une des plus courses à découvrir dans le monde de l’ultra trail. Chapeautée par un passionné, Caner Odabasoglu, son organisation  a été reconduite les 19 et 20 avril pour la quatrième année consécutive. Caner court à travers le monde tout au long de l’année. Fort de son expérience, l’homme de cœur a su créer à Iznik l’un des rendez-vous les plus importants du calendrier de courses pédestres turques, quatre courses hors normes, trois ultra-trails de 130, 80 ou 46 kilomètres ou un galop populaire urbain de 10 kilomètresLe cadre est hors pair. Iznik, en Anatolie, est peut-être plus connue sous son nom antique, Nicée. La ville reste célèbre pour son concile du début de l'histoire de l'Église chrétienne . Elle fut aussi au Moyen Âge la capitale de l'empire du même nom, vestige de l'empire byzantin pendant les croisades. Subsistent autours de la ville cinq kilomètres d’imposants remparts, renforcés d’une centaine de tours, qui rendent les galops dans les douves plus chevaleresques. La ville se situe dans un bassin fertile à l'extrémité orientale d’un lac de 300 km2, entouré par une chaîne de collines culminant à 1000 mètres d’altitude. Là, entre les pierres et les oliviers, s’offre le cadre du jeu. La plus longue course parcourt la circonférence complète du plan d’eau, tantôt sur son rivage, tantôt haletante jusqu’aux sommets qui le surplombent. Les vues panoramiques sont imprenables. Le printemps a déjà posé ses couleurs sur le décor. Bourgeons, abricotiers épars en fleurs, villages ruraux, mosquées, chants récurrents du muezzin, tracteurs minuscules en en plein labeur, culture intensive d’oliviers, le gazouillis des oiseaux, pas de vent, aucune onde à la surface de l’eau.  Le calme et pourtant des fourmis dans les jambes. Aucune place aux rêveries bucoliques. Si la nuit reste fraiche, l’ensoleillement réchauffe vite et lourdement l’échine des coureurs. Dès l’aube, le soleil s’invite à la partie et accompagne jusqu’au crépuscule le galop pressé des prétendants. Plus d’un millier de coureurs se sont répartis sur les quatre courses. Aux ténors nationaux de la discipline sont opposés d’autres cadors issus de vingt six pays différents. L’épreuve s’internationalise fortement.  Sur l’épreuve reine, la plus longue de 130 km, Mahmut Yavuz le vainqueur des deux premières éditions, espérait bien récupérer le titre échappé l‘année dernière. Le spécialiste turc de l’ultra trail s’était vu ravir en 2014 la première place par l’Anglais Marcus Scotney. Malgré l’absence de Marcus, Mahmut a du une nouvelle fois s’incliner devant un supérieur britannique. Cette année, c’est l’Ecossais Donald Campbell qui a survolé l’épreuve. Parti en tête dès le départ de l’épreuve donné à minuit, Donnie n’a eu de cesse que de créer un écart croissant, laissant au bout de sa course finale (13h23) ses poursuivants turcs affamés et résignés à plus d’une heure. Mahmut est une nouvelle fois second. Son ami Aycut Célibas complète le podium. Chez les féminines, Zoé Salt, plus frêle, s’est montrée bien plus véloce dans les ascensions successives imposées après la mi course. Floating like a butterfly, stinging like a bee. Elle se démarque de l’imposante Bulgare Mariya Nikolova qui lui tenait tête jusque là pour aller ravir la 4ème place du scrach et couvrir la couronne d’oliviers réservée aux lauréates.  Si la manifestation est soutenue par Asics Europe, la marque avait demandé à ses représentants français de défendre ses couleurs. Sur le 80 km, les deux Français Emmanuel Gault et Benoit Girondel (Prononcer en langue locale Ben-Oït) ont vite imposé leur rythme et leur supériorité. Seul l’Anglais Ben Abernoor s’est accroché jusqu’au vingtième kilomètre à leur locomotive infernale. Il paiera d’un cher abandon le prix d’une mise en jambes cadencée à l’excès. Devant, Emmanuel est impérial. Il accélère et décroche le train accroché à ses basques. Sa cavalcade est dominatrice. Beaucoup plus fort, il devance à l’arrivée (6h45) son camarade Benoit de 40 minutes. Chez les dames, l’Italienne Alessia de Matteis devance la championne turco-russe locale Elena Polyakova. La Suisse Coraline Chapatte honore sa première participation à un ultra de cet acabit en s’octroyant la troisième place. Elle est ravie. Sur 42 km, le journaliste athlète espagnol José de Pablo est lui aussi auteur d’un cavalier seul. Le frenchie Benoit Laval, représente sur place sa propre marque d’équipements sportifs raid-light e s’assure le rang du dauphin. La masse populaire s’est débattue le dimanche matin sur 10 km autour des remparts de la ville, enfants compris. Là encore, le représentant Asics-France Franck Bussière saura mettre tout le monde d’accord. Monsieur promène son logo sur les remparts d’Iznik. Il relègue son second, Ali Turan, à 4 minutes et le troisième, Sefa Yaman, à 6 minutes. Démonstration. La fête ne s’est pas arrêtée pas aux podiums qui ont récompensé en kilos d’olives les dignes vainqueurs. Concert et délectations turques. Un accueil chaleureux comme on ne saurait pas réserver chez nous. La Turquie est un charmant pays et l’ultra trail a sa place parmi les plus grands rendez-vous. 2016 est déjà au programme.

Texte : Brice de Singo et d'autres photos en cliquant ICI 



Liwa Challenge, l'aventure ultime !

A chaque pas s'éveiller en un point différent du vaste désert. Sortir de son quotidien et retrouver dans la splendeur d’une nature vierge. Détendre ses jambes, s'étirer dans l'air chaud et pur. Sur le sable, enrouler son turban et s'y draper. Se griser d'espace. Connaître l'insouciante ivresse de seulement respirer, de seulement vivre. Lever les yeux au ciel empli d’une encre noire, des milliards d’étoiles scintillent encore. Chercher la sienne dans l’immensité de l’univers. Ici Cassiopée vous devine, les étoiles pénètrent votre imagination et donnent un sens à votre vie. En paix avec vous-mêmes, vous obtenez là ce que vous êtes venus chercher. Puis le soleil point une fois encore à l’horizon, l’aube s’enflamme, la lumière se ravive, le sable fin prend les couleurs du feu : jaune, orange, ocre rouge, fabuleux. Au milieu de nulle part, en plein désert de Liwa, autour d’une oasis perdue dans les dunes au cœur de la péninsule arabe, le coureur s’agite encore. L’effort l’a terrassé. Il reprend son souffle. Autour de lui, ses pairs, les participants de la première édition du challenge de Liwa s’ébranlent et s’agglutinent pour le féliciter. Plus qu’un soutien, une communion, une reconnaissance, un partage. Au bout de lui même, il est allé. Ses muscles, Ses jambes, ses pieds sollicités ont été meurtris par tant d’heures de cheminement dans le sable meuble et le font grandement souffrir. L’épreuve est sans doute la plus difficile du monde, elle a été voulue ainsi. Un voyage peu commun, exceptionnel, entre dépassement de soi et féérie chargée d’émotions indicibles, à la découverte d’un autre, de l'immensité d’un désert, de vagues incessantes de dunes, tellement hautes, si imposantes, enchevêtrées, continues. La chaleur est là et le courant d’air souffle. Il emporte avec lui coureurs et sable mou. La silice et le sel volent, pénètrent chaque orifice, s’immiscent dans chaque interstice. Ils corrompent l’homme et le rompent. L'homme ne s'incline que lorsqu'il rencontre le surpasse... C'est forcément ce qui arrive dans le désert de Liwa, aux confins des Emirats. L’organisation est parfaitement rôdée. L’ultra trail est son sujet. Si le Liwa Challenge était cette année une grande première, l’équipe organisatrice est depuis longtemps unie, complémentaire, polyvalente, stable et elle maitrise parfaitement toutes les difficultés qu’incombent un  pareil événement. Autrefois, Michel Casals et Jean-Marc Tommasini concoctaient ensemble le Libyan challenge. Depuis 2009, la Libye s’est refermée. Un grain de sable politique a enrayé la jolie mécanique pérennisée d’une course reconduite chaque année. Les deux compères ont repris leur bâton de pèlerin. Ils ont parcouru la terre, sillonné chacune de ses entrailles, à la recherche d’un autre site. Afrique, Chine ou Chili. Le désert de Liwa a retenu leur attention. Entre Emirats Arabes et Arabie Saoudite, ils ont dégoté un terrain de jeu unique, sécurisé. Leur gouaille, leur verbe, leurs qualités en relations humaines, leurs connaissances leur ont ouvert les portes du désert. Ils ont su trouvé ou gardé leurs sponsors, sans qui rien ne serait possible : Thalès, Total, Air France et l’appui des contacts locaux. Abu Dhabi  Sport Council, rattaché au ministère des sports émirati a offert son partenariat et le cheikh ses appuisPassionnés par l’ultra, les deux instigateurs ont orchestré avec talent esans aucune autre fausse note qu’une distribution inappropriée de hamburgers aux coureurs l’organisation de l’épreuve qu’ils ont eux-mêmes créée. A Tal Moreb, ils ont offert à la caravane qui passe la clé et l’eau désaltérante d’une oasis. Aucune frontière quelle qu’elle soit n’a su barrer le passage de leur imagination. Aucune d’ailleurs, nulle part, ne se justifie. Babel n’aurait jamais du exister. Michel et Jean-Marc sont citoyens du monde et s’adressent aux citoyens du monde. Il fallait un site qui offre la sécurité et la grandeur d’une évasion. La traversée du désert de Liwa, sur 100 ou 200 kilomètres, a permis aux participants du challenge une pénétration totale dans le désert entre sable, vent, chaleur et soleil. Le challenge  a été voulu le plus difficile possible, le dépassement de soi hors normes. Le pari a été gagné. Le leur, pas celui de tous les coureurs…. 48 participants, 27 engagés sur le 200 kilomètres, 21 sur le 100, auront cette année foulé le sable fin des montagnes de dunes. Un petit comité, une chance. Beaucoup d’entre eux sont de redoutables coureurs expérimentés d’ultras, anciens participants assidus notamment du Libyan Challenge. Leur expérience commune ajoutée a plusieurs fois couvert la circonférence de la terre, sillonné chaque méridien terrestre, chaque parallèle. D’autres sont issus du bataillon de coopération de la légion étrangère basée à Abu Dhabi ou membres de l’armée émirati, sportifs aguerris mais néophytes sur un tel exercice. D’origines diverses, en majorité française, Parisiens, Franciliens, Bretons, Normands, Toulousains, Marseillais, Réunionnais, Guyanais, expatriés aux Emirats, Anglais, Hongrois, Coréen, Suisse ou Emirati, ont ainsi communié, tout partagé, se sont ouverts et découverts. La caravane a couru, ou simplement marché. L’éclectisme du groupe a été source de richesse. Face aux difficultés, la solidarité et l’entraide sont de mise. Avec la bonne ambiance, l’osmose a pris. Une équipe pour un seul esprit, dit-on. Le départ de la première édition du Liwa a été donné au cœur de l’oasis de Tal Morel le 9 février. 75 heures sont accordées aux participants pour clore leur parcours en autonomie complète. Seule l’eau sera distribuée aux différents relais. Que ce soit pour 100 ou 200 kilomètres, le peloton harnaché, bâté, s’élance uniformément. A dix heures du matin et bien que février ne soit pas la période la plus chaude de l’année, la température avoisine déjà les trente degrés. Le thermomètre monte, la lumière est intense. Il fait chaud mais le vent est caressant et soulève en rafales des volutes de sable fin. Si ces courants d’air procurent aux visiteurs une sensation de rafraichissement dans la fournaise ambiante, il dessèche néanmoins leur organisme, camoufle d’éventuelles déshydratations. Une fois la première dune gravie, on se rend vite compte de l’unique cadre. A perte de vue s’étendent des montagnes de dunes. Les lames dépassent régulièrement les cent mètres de hauteur. Ne subsiste alors qu’une seule matière, blanche, jaune ou ocre, immaculée. Nulle pierre, nul caillou, nul arbuste épineux. L’unique sable s’échappe sous vos pieds, rend toute progression difficile. Il s’insère au travers des guêtres, s’immisce au cœur des articulations, irrite les yeux, macule les jambes, les bras, le visage. La progression est difficile, le sol est trop mou. Il n’est plus question de pas de course. Bien appuyé sur leurs bâtons, le défilé de trailers marche au pas. Le vent fait son œuvre, strie le sol, dépose çà et là ses amas, balaie les crêtes, les arêtes. La lecture du sol gagne son intérêt. Dans l’immensité, chacun cherche sa progression, ses appuis, contourne, slalome. En contrebas, parfois, s’étendent sur quelques longueurs planes des sebkas, lacs que les millénaires ont taris puis séchés. Les résurgences de sel brillent comme diamants au soleil. Le temps d’une courte traversée sur un sol moins meuble offre un bref répit. Le sol est certes plus ferme au pied des dunes mais serpenter entre les monticules rallonge considérablement la ligne d’arrivée enfin salvatrice. Puis il faut regrimper la dune, inlassablement, les enchainer les unes après les autres. Sur les 200 kilomètres de parcours définis, plus de 8600 mètres de dénivelé positif s’imposeront aux jambes au bout desquelles les pieds s’enfoncent, inexorablement. « Ce qui sauve, c’est de faire un pas, encore un pas. C’est toujours le même pas que l’on recommence. » Un concurrent est passé là, le poursuivant suit sa trace. Mais tout sur le sol est aléatoire. Il n’est pas évident de progresser efficacement. Après l’embrasement du ciel par delà l’horizon de dunes, aux heures du jour succède la nuit. Les étoiles s’allument une à une. Sont-elles plus nombreuses que les grains de sable ? La lune n’est pas pleine mais elle éclaire copieusement les dunes. Les frontales rendent compte des particules de sable qui évoluent et que l’on respire dans l’air ambiant. La bouche en devient pâteuse. La solitude et le silence créent le vide. La grandeur rétrécit les êtres. L’humilité gagne. Nul fléchage au sol. Le GPS devient un instrument de survie et commande toute progression. Des points définis ont été distribués au départ. Ils correspondent à autant de check points ou de balises disséminés dans le désert. Onze sont à rejoindre pour les participants du 200 km, cinq pour ceux inscrits sur la plus courte distance. Les quatre premiers sont communs. Au-delà, les chemins se séparent. « Ce qui embellit le désert c'est qu'il cache un puits quelque part. » Dans l’erg sablonneux, espacés, des camps de survie ont été dressés. Chaque check point accueille avec compassion les naufragés du désert. L’équipe de bénévoles engagés par l’organisation est efficace. Chaque relais dispose d’un membre professionnel du corps médical, médecin, ostéopathe ou infirmier. Les camps improvisés offrent l’eau, le gîte en tente, les soins. Nul besoin d’attendre la première nuit pour que s’allument les premières ampoules. Chaque orteil, chaque voûte plantaire, chaque talon, chaque cheville s’ornent de rougissants épanchements. Les soins prodigués sont unanimement appréciés.  Après quatre heures de course, les coureurs de tête, inscrits indissociablement sur 100 ou 200 kilomètres, arrivent un à un ou deux par deux au passage du seizième kilomètre au premier relais. Le Français expatrié à Dubaï Benoit Rodriguez a pris la tête des opérations. Il ne précède que de quelques minutes le Parisien Alban Raigner et la néo Savoyarde Mélanie Rousset. Tous les trois sont partis pour 200 kilomètres. De visu, ils sont accompagnés par trois légionnaires. Mourad Si Ahmed et Erwan Cazin mènent le 100 kilomètres. Ils sont poursuivis à quelques encablures par leur camarade de corps Frédérik Bonaparte qu’ils tiennent en respect. Mourad et Erwan sont amis. Depuis des mois, ils préparent ensemble leur compétition. Plus loin, échelonnés, progressent le Toulousain Thierry Corbarieu, l’Anglaise Sharon Gayter,, puis Nicolas Autret, Patrick Ostrowski, Florence Gay… La spécificité du parcours, ses difficultés et la chaleur du premier jour rendent vite compte des organismes. L’effort est conséquent. Certains, inscrits sur le 200 kilomètres, se ravisent. Le 100 suffira. Beaucoup se font piéger par la déshydratation. Et l’hécatombe commence. La jonction entre les relais 2 et 3 situés aux 36ème et 60ème kilomètres est longue et sert de cadre aux premiers abandons. A la tombée de la nuit, sur le 200 kilomètres, Benoit est toujours poursuivi par Alban. Les deux hommes dominent et se suivent. Mais après le CP3 et l’obscurité de la nuit, ils unissent leurs forces et progressent ensemble. Derrière eux, sur le 100 kilomètres, Erwan  a été victime de la chaleur et s’est laisse décramponner. Mourad est en forme et caracole seul en tête. Vers 20h, il est victime de la technique et d’une panne de GPS. Perdu au milieu de nulle part, il est recueilli par un 4X4. Il est éliminé et amené au CP3. Frédérik Bonaparte est passé. Il accompagne Mélanie Rousset, 3ème du 200, jusqu’au CP4. En bon militaire, il prodigue à la jeune femme quelques conseils d’utilisation du GPS. Au delà, leurs chemins se séparent. Coureurs du 100 et du 200 choisissent leur destinée. Erwan a retrouvé son ami au CP3 qui, malgré sa disqualification, décide de l’accompagner. Les retrouvailles, la tombée et la fraicheur de la nuit remettent le jeune homme en selle. Ensemble, ils rattrapent Frédérik, le débordent au CP4, continuent leurs efforts. Mourad est beaucoup plus fort mais il n’est plus dans la course. Il tire son collègue, l’exhorte, le stimule. Ensemble, à l’aube du deuxième jour après 21h35 de course, ils franchissent la ligne d’arrivée. Frédérik arrivera seul une heure plus tard. Un quatrième légionnaire, Nicolas Trompette, complètera le podium du 100 kilomètres. Après 33h36 de course, la Toulousaine de « Cho la Dune » Claudine Pascal et la journaliste  Cécile Bertin  termineront ensemble sur la première marche du podium féminin. Sur la poursuite du 200 kilomètres, esseulée après le CP4, Mélanie a préféré attendre ses poursuivants. Si Thierry a été contraint de jeter l’éponge au CP3, sa camarade de club « Cho la Dune », Florence, est toujours en course et progresse avec Patrick. Mélanie se joint à eux et le trio poursuit uni. On rêve alors d’une pomme, d’un bon plat. On s’oublie, l’imagination déborde. Dans une telle grandeur, un tel silence, on se sent rétréci, petit, humble. En tête, Benoit et Erwan sont parvenus au CP6. Ils ont beaucoup marché, à un bon rythme. Leur avance est conséquente. Benoit a les pieds en sang. Chaque orteil est soigné, pansé. L’opération prendra à plusieurs reprises aux différents CP restants plus d’une heure systématique de soins. Alban a continué seul. Une seconde journée sous la chaleur, une seconde nuit sous les étoiles, sans jamais s’abandonner à la moindre minute de sommeil. La beauté du paysage, les levers et couchers successifs du soleil l’ont fait rêver. A l’aube du troisième jour, overdose d‘efforts, de chaleur emmagasinée et d’endorphines, le mirage s’allume. Maintenant, il délire. Il ne sait plus où il est, poursuit sans force et sans savoir où ses pieds le portent. De son imagination apparaissent un renard, d’autres animaux, des hommes. Ils lui indiquent le chemin, la voie royale. Le garçon s’accroche pour ne pas tomber dans l’au-delà. Il franchit le Rubicon et harassé, vainc au bout d’un ultime effort. 45h16 de course, neuf heures avant Benoit, son premier poursuivant. Derrière, Mélanie, Florence et Patrick sont restés ensemble. Après 57h07 de course, ils s’adjugent ex aequo a troisième place du général. Que d’émotions.  Les jeux brûlés, le teint hâlé, maculé de sel et de sable, un à un, les survivants parviennent au but. Ils sont peu à endosser le maillot du finisher. Huit seulement sont arrivés au bout des deux cents kilomètres. Le Genevois Baudouin Dunant sera sans doute le plus attendu. 78 heures de course et de dépassement de soi pour ce qu’il appelle « un vide Total ! » Il n’est pas venu là par hasard… Dix huit coureurs sont parvenus au terme des cent kilomètres. Beaucoup d’entre eux étaient initialement inscrits sur la longue distance. Chaque concurrent a donné le meilleur de lui-même, s’est défendu, s’est démené pour vaincre l’épreuve, avec ou sans succès. Personne n’a démérité. 100% des coureurs d'accord pour conclure que le Liwa Challenge est unique par son côté 100% sable et qu'il s'agit désormais d'une course "référence" en termes de difficulté.  Ici, le silence s’écoute, il suffit de lui tendre l’oreille. Une étoile file, je ferme les yeux, mon imagination déborde, il était revenu. Regardez ces photos du désert. C’est pour beaucoup de ceux qui ont fait le Liwa, le plus beau paysage du monde. C’est ici que le Petit Prince est apparu, pendant trois jours. De retour de la dune, rentré chez eux, enfin réveillé, chaque participant y rêve encore, longtemps, tristement. Quand ce fut fini, le Petit Prince leur avait dit : « Puisque c’est ainsi, nous reviendrons… ».  Le temps d’une révolution autour du soleil. Inch’Allah.

Brice de Singo.

 

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Ultra Trail Cappadocia : il était une fois l'Anatolie !

Certes il y en a maintenant partout et par le monde des milliers. Le traileur, pour un peu qu’il soit voyageur, n’a plus que l’embarras du choix. L’engouement pour la discipline a créé des émules. De plus en plus de coureurs, de plus en plus d’organisations, de plus en plus de manifestations. Le vent est dans la poupe. L’athlète se réfère souvent aux courses mythiques, aux incontournables. Nous les connaissons toutes. Les meilleurs, ceux qui prétendent à la gagne, sont attentifs aux références, à celles qu’il convient d’épingler comme un dossard à leur palmarès. Les valeurs sûres créent les impératifs. Mais, bien que rôdées, elles n’offrent pas toujours ce qu’il y a de meilleur quand il s’agit d’en mettre plein la tronche aux coureurs. La terre est grande et l’esprit n’a pas de limite. La multiplicité des épreuves s’étend. On ne court pas un ultra aux quatre coins du monde chaque week-end. Il convient de choisir. Saurai-je attirer votre attention sur le Cappadoce Ultra trail dont la première édition, chapeautée par The North Face s’est disputée le 25 octobre ? L’organisation, Argeus, domine son sujet. Depuis plusieurs années déjà, elle gère le Tour de Turquie cyclisme. Une expérience mise au service du sport, au cœur d’une ville, Ürgüp. Des petits plats turcs mis dans les grands. L’organisation sans faille de trois courses sur trois distances a ravi. Une première réussite qu’il convient de saluer, une première édition qu’il convient de pérenniser. Tous les critères sont réunis pour que le rendez-vous mondial devienne très vite populaire et incontournable. La Cappadoce, au cœur de l’Anatolie, au centre de la Turquie. Comment coureur à pied féru de nature et de découverte de paysages pourrait-il rêver plus joli terrain de jeu. L’endroit est féérique. Le relief est unique. Les dieux du vent et de l’eau semblent avoir voulu façonner ici la terre comme nulle part ailleurs. Extraordinaires facéties de l’érosion. La Cappadoce est comme un gruyère que l’on se plait à déguster et donc chaque trou est une cellule de vie troglodyte.  Sous l'effet des glaciations d’une autre ère, la croûte de basalte s'est lézardée, le sol s'est désagrégé, permettant aux éléments de s'infiltrer et d'accentuer encore leur dessin. Quand la couche du sol est tendre, elle se désagrège totalement pour former en contrebas des plaines poussiéreuses, tandis que sur les reliefs pentus, l'érosion a créé des canyons, des cônes, des pitons et des cheminées de fée, un décor géologique qu’aucun cinéma ne saurait reconstituer. Le résultat est extraordinaire, à peine dicible. Il faut le voir pour le croire. L’air et la lumière apportent à l’œuvre leur part de magie. Aux nuits étoilées succèdent des aurores colorées. Le réveil bien avant le chant des coqs  emmène le visiteur aux montgolfières. Elles sont des centaines chaque matin à couvrir le ciel. Un spot spécifique. Le soleil levant caresse les joues et inonde le monde. Les couleurs sont vite vives. Et le périple à 2300 mètres d’altitude fait toujours son effet. On n’est jamais retenu du plongeon que par une nacelle en osier. L’appréhension est vite dissipée. Les images sont tellement belles, le tableau tellement délirant. L’immensité du site n’a laissé aux organisateurs que l’embarras du choix pour déterminer les différents parcours, les check-points reliant les plus beaux sites, les châteaux que l’eau a elle-même creusé. Ürgüp, Ibrahimpasa, Uçhisar, Göreme, Çavusin…  Point de montagne. L’enchevêtrement des roches et le sable omniprésents exigent néanmoins un pied caprin. Les dénivelés constants ne sont jamais longs. Aux crêtes succèdent des cheminements de gorges, entre les parois des canyons. Le coureur déambule. D’une falaise, il saute et poursuit le long d’un ruisseau. Du sable, il piétine soudainement une végétation luxuriante, traverse parfois des jardins protégés, verdoyants, paradisiaques. Et puis, chaque heure de la journée revêt ses couleurs. Le premier parcours de 33 kilomètres pour 900 mètres de dénivelé a rassemblé près de 250 participants, le gros du peloton populaire, venu d’ici, de Mésopotamie, d’Europe occidentale ou du Nouveau Monde. La Turquie au centre des civilisations. Un carrefour. Et le Turc tellement avenant. Près de vingt nationalités différentes sont représentées. Les cinq continents. Ürgüp pour un jour Babel. Les rencontres internationales n’en sont que plus enrichissantes. Personne n’a pu suivre le train du jeune Polonais, Fryderyk Pryjma, 18 ans, qui relègue son second à 22 minutes, le troisième à 35 minutes. Une domination tout simplement ahurissante. Les deux autres courses, relevaient tout de même d’un effort plus conséquent et dénombraient une centaine de participants chacune. L’utra est toute autre. Départs concomitants donnés à 7h00. Sur 62 kilomètres, 1850 mètres de dénivelé, le tandem iranien uni par la combinaison Salomon, Davood Shirkhani et Ashkan Almasi a largement dominé les débats mais s’est fait coiffé sur le poteau par le senior turc Kamal Kukul, revenu du diable vauvert. Sur l’épreuve reine, 110 kilomètres pour 3350 mètres de dénivelé, les deux Français Jean-Marc Delorme et Aurélien Perrey se sont avant tout fait plaisir. En alliant leur foulée synchronisée, ils ont eu tout le temps de faire connaissance et de se découvrir. Ils ont mené la tête du troupeau jusqu’à la mi-course. Là, un malencontreux égarement les a contraints au contretemps. La machine russe Elena Polyakova est passée devant. Eléna bade la pause méridienne, néglige le repas et poursuit sans les frenchies. Elle repart du check-point 6 à 50 kilomètres de l’arrivée avec 15 minutes d’avance. Elle ne cèdera plus rien. Les deux Français ne reviendront pas. Ils sympathisent et s’attendent mutuellement. Devant eux, ouvrant la voie, le petit bout de femme si jolie présente une résistance athlétique hors pair, peu commune. Ce n’est pas son galop d’essai et elle sait que c’est aujourd’hui son jour. Elle ne lâche rien. Elle porte son avance à 30 minutes et remporte le premier Ultra trail de Cappadoce. Sous le chant du muezzin, une femme Madame Eléna Polykova a dominé la gente masculine. Bravo madame. Ultra Trail Cappadocia. La magie a pris et l’enchantement  a été de mise.

Texte de Brice de Singo. Retrouvez toutes ses photos en cliquant ICI

 

 

 



François D'Haene survole le 22ème Grand Raid de la Réunion

Mais qu’est-ce qui a bien poussé, Robert Chicaud, organisateur en chef de la Diagonale des Fous, a insisté de la sorte, la veille de l’épreuve lors de la conférence de presse, sur le bulletin météo du week-end ?  Peut-être me fait que le secrétaire de l’association Grand raid n’est autre que Marc Lévy qui travaille justement à Météo France ! Allez savoir ! En tout cas, les prévisions étaient toutes unanimes : un week-end de beau soleil juste perturbé par quelques ondées mais sans plus.  Bref rarement les conditions sur le Grand Raid de la Réunion auront été aussi difficiles, aussi extrêmes. Avec une première partie passée sous des trombes d’eau, dans l’humidité, dans le froid et une deuxième, plus ou moins selon évidemment la vitesse d’évolution de chacun sur le parcours, très chaude, voire caniculaire. On remercie donc au passage Météo France et on salut donc le nombre, une nouvelle fois, hyper élevé des abandons. Un record absolu avec 48% mais tout de même très proche des années précédentes. Sur 2200 partants, on dénombre 1150 finishers… en gros. Il est vrai, souligneront certains, que cette année, comble de malchance ou de chance (selon le moral du coureur !), le parcours aura été rallongé au tout dernier moment à cause d’un éboulis malencontreux dans la montée du Taïbit qui, même nettoyé depuis, n’aura permis un passage sécurisé des raideurs du moment. Et le tracé 2014 s’en est trouvé rallongé de 9 km avec surtout un dénivelé positif total frôlant du même coup les 10000 m. De loin, comme ça, sur un papier, ça ne parle pas beaucoup, mais une fois sur le terrain, ça fait toute la différence. 172 km ce n’est pas la même chose que 163 km. Quoiqu’on en dise ! Malgré tout, un homme, un seul, va se jouer, à priori, sans aucun mal, de toutes les difficultés, il s’agit bien évidemment de François D’Haene. Ce dernier, fort de ses victoires à l’Ultra Trail du Mont Fuji et surtout à l’Ultra Trail du Mont Blanc cette année, n’a laissé aucune place au suspense. Il est parti dès le piton Textor, soit vers le 30ème kilomètre et ne sera plus jamais revu. Pas le moindre coup de bambou. Des petits moments plus durs que d’autres, comme il le confiait volontiers à l’arrivée, mais jamais plus. Il ne cessera d’augmenter son avance et finira avec plus d’une heure sur le second, Ludovic Pommeret, qui lui avait déjà terminé deuxième en 2009. François termine son périple en 24h25’. Juste un peu plus que lors de sa victoire de 2013 avec donc des kilomètres en plus pourtant. Il devient également le premier champion du monde des Ultra Trails, même si ce titre, on se l’accorde, ne veut pas forcément dire grand-chose. La course, comme on a pris l’habitude depuis quelques années, a vu très rapidement bon nombre de favoris, jetaient l’éponge pour diverses raisons, très rapidement. La première a mettre le clignotant n’est autre que Marcelle Puy, maintes fois lauréate et grandissime favorite. Une douleur au mollet qui est revenu et tchao ! Même constat pour des garçons comme Julien Chorier deux fois vainqueur ici même ou Xavier Thévenard, vainqueur de l’UTMB en 2013, sans parler du local Freddy Thevenin qui avait finit deuxième l’an passé et dont tout un peuple était prêt à le supporter de plus belle. Chez les féminines, Nathalie Mauclair a pris sa revanche sur 2013. Elle s’impose après avoir, elle aussi, fait cavalier seul. Elle gagne en 31h27’ en prenant la 19ème place au général. Juliette Blanchet garde sa deuxième place mais en étant obligée quasiment de sprinter tant le retour d’Uxue Frailé semblait à un moment inéluctable.  Sur les autres dsistances, Trail de Bourbon (93km) et Trail des Mascareignes (67km), on note les victoires respectivement de Jannick Sery et Estelle Carret et de Jeannick Boyer et Claire Nédelec. 1600 coureurs étaient inscrits à chacune de ses épreuves, qui n’ont rien, d’annexes !

 

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La Skyrace de Bolivie par François Croci !

En ce dimanche 10 août 2014 avait lieu la 3ème édition de la Skyrace. C'est une course uniquement en côte : 28km et 1800m+ exclusivement sur une route caillouteuse qui est appelée, el camino de la muerte  (le chemin de la mort) car de nombreuses personnes sont mortes sur cette route qui reliait la région des Yungas à La Paz. Cette route était très fréquentée jusqu'en 2005, année où une route asphaltée fut construite pour remplacer ce camino . Ce chemin de la mort était très dangereux, surtout pendant la saison des pluies. La Skyrace était donc limitée à 210 participants avec une minorité d'étrangers : Norvégiens, Allemands, Espagnols, Japonais, Français...  La journée a commencé à 4h du matin où un bus devait nous prendre depuis La Paz pour nous amener à Yolosa (Yungas). Il est arrivé avec un peu plus de 20 minutes de retard. On aura donc attendu tout ce temps dans le froid. Ensuite, nous avons mis beaucoup de temps pour rejoindre le point de départ de la course. Le départ était prévu à 8h et notre bus est arrivé à 8h. La grande majorité des concurrents nous attendait. Normalement, il était prévu de prendre un petit déjeuner, au lieu de cela, alors que l'on venait juste d'arriver, on nous annonce que nous avons 15' pour nous préparer avant de rejoindre la ligne de départ. Le petit déjeuner est donc passé à la trappe. Avec deux amis, nous arrivons sur la ligne de départ où on nous informe que le départ sera donné dans 10 minutes. Nous avons juste le temps de nous échauffer un peu et le départ est donné. J'ai de bonnes sensations dès le départ, ce qui est étrange car j'ai été malade pendant 10 jours, 10 jours avant la course, je n'ai pas pu m'entraîner comme je le souhaitais et j'avais peur de ne pas tenir la distance. En tout cas le paysage est magnifique : végétation luxuriante, bananiers, champs de coca, maisons en torchis et le soleil qui commence à se manifester alors qu'il n'est pas encore 9h. Cela annonce une matinée chaude. J'arrive au 6ème km en 38' et je suis dans les 10 premiers. Un coureur est parti seul en tête quasiment dès le début de la course, un norvégien, sera-t-il le vainqueur de cette course ? Je commence à me dire que peut-être ces 10 jours de maladie auront été bénéfiques. Je passe au 10ème km en 57', je suis toujours bien et le paysage devient plus sauvage car il n'y a presque plus d'habitations et de champs. Les positions semblent être maintenues.  Vers le 12ème, je commence à ressentir une petite baisse peut-être due à l'absence de petit déjeuner, et je commence à me faire doubler par quelques coureurs. Avant le 15ème km, point stratégique de la course, on m'annonce 25ème. A ce moment, je me dis que je vais m'arrêter au 15ème km car je commence à trop subir la course. Le 15ème km est la première étape de la course. Il était possible de faire soit le 15km et 800m+ soit le 28km et ses 1800m+. J'hésite, j'hésite et finalement je passe ce 15ème km en me disant que je dois finir ce 28km, à ce moment là de la course je suis en 1h34, donc pas trop mal même si les muscles et le souffle souffrent. 2Km après le 15ème km, on m'annonce 22ème, je ne comprends pas. Abandon ou arrêt au 15ème de quelques concurrents... C'est vers le 18ème km que le calvaire va véritablement commencer. En fait, la deuxième partie de la course est la plus dure : 13km pour 1000m+ avec ce soleil omniprésent et l'ombre très rare. Je commence à marcher , j'en profite pour prendre quelques photos tellement la végétation qui nous entoure est magnifique. Quand je suis rattrapé par un concurrent, j'essaye de le suivre en courant mais une centaine de mètres plus loin je recommence à marcher. Je n'ai plus de force. Et je me dis que j'aurais dû m'arrêter au 15ème mais une fois lancé, il ne reste plus qu'à terminer. Heureusement, vers le 20ème km, un ami, Robin, me rejoint et nous allons finir la course ensemble. Une autre course commence. Le mental revient petit à petit et cela devient presque un plaisir de souffrir pour terminer cette course, car je ne suis pas seul et que cela fait du bien de parler pour faire passer le temps. Nous arrivons au 22ème km en 3H11'. On marche principalement. On constate que l'on va aussi vite que ceux qui ont encore la force de courir. On profite du paysage qui est toujours aussi splendide, grandiose, vert, tropical et sauvage. Nous passons sous des filets d'eau, de petites cascades, ce qui rafraichit un peu le corps qui commence à être en surchauffe. Nous continuons notre chemin mais que les derniers kilomètres passent lentement, très lentement.  Nous apercevons, enfin l'arrivée, en haut, il doit rester 1km et 100m+. Tout les concurrents marchent. Nous franchissons la ligne d'arrivée en moins de 4h. 3H59'22'' et 3h59'38''... Nous finirons à la 41 et 42ème chez les hommes sur 112 arrivants et au classement général, nous sommes 46 et 47ème sur 140. Une bonne quarantaine de concurrents sont soit arrivés hors délai (plus de 6 heures), soit ils ont abandonné. Et le reste était sur le 15km. Le premier homme n'est pas le norvégien, Asser Nielsen, qui finira deuxième en 2h39'01' et qui vaut 2h30' au marathon mais un bolivien, Franklin Quiroz, qui va gagner cette Skyrace en 2h37'04''. Le troisième est un autre bolivien, Salvador Bustillos en 2h52'20''. Chez les femmes, c'est Karoline Kaasa, une norvégienne qui gagne en 3h35'44''. Elle est suivie de deux boliviennes : Mabel Chura et Pilar Gonzalez qui réaliseront respectivement : 3h38'55'' et 3h43'08''. Comme souvent deux sentiments s'entrechoquent, d'une part déçu du temps mis pour cette course qui était un de mes objectifs de l'année et d'autre part heureux d'en finir, d'avoir participé à cet évènement et de terminer cette course pas vraiment roulante, comme on pourrait l'imaginer. Je continue donc ma découverte des courses boliviennes et que l'apprentissage est dur! Le corps est exténué et la tête dit plus jamais, c'est trop. Et étrangement, une bonne demie-heure plus tard après avoir passé la ligne d'arrivée, on commence à penser à revenir l'année prochaine pour tenter d'améliorer son temps...



Les 10km "Présidente Evo" de la Paz avec François Croci

Le rendez-vous était donné à la plaza San Francisco à 8h. Pour rejoindre cet endroit, j'ai donc pris un trufi, une sorte de taxi collectif qui peut prendre entre 5 et 7 passagers. Une demie-heure avant le départ, il y a déjà beaucoup de monde qui soit s'échauffe, soit qui attend près de la ligne de départ. La presse annonçait 30.000 personnes inscrites, inscription gratuite oblige. Cette course fait partie des 10 courses du « Président Evo » ; sur chacune d'elle, les dix premières femmes et les dix premiers hommes marquent des points pour le classement, qui permettra ensuite eaux deux premiers de chaque catégorie de partir à Sao Paulo (Brésil) pour participer à la prestigieuse course de la Saint Sylvestre du 31 décembre. Sur chacune de ces 10 courses, les dix premiers gagnent également une somme d'argent assez importante pour la Bolivie : d'un peu plus de 1400€ pour le premier à environ 800€ pour le dixième et cette grille de récompense est la même pour les deux sexes. Autant dire que les meilleurs coureurs boliviens sont tous au rendez-vous. Le président de l'État Plurinational de Bolivie, Evo Morales Ayma arrivera 5 minutes avant le départ pour le donner. Il s'agit de la deuxième édition de cette course. Ayant déjà couru la même course en janvier, je pensais observer les progrès, ou pas, sur ce même parcours, mais il y a eu un changement une semaine avant cette course, ce sera donc un nouveau parcours. Sera-t-il plus facile ? Le départ est donné avec deux minutes de retard, autant dire à l'heure. Nous sommes à 3450m d'altitude et les premiers kilomètres sont exclusivement en descente : un peu plus de 3km pour 145m d-, autant dire que cela va vite dès le début, ce qui provoque quelques accidents sur les 300 premiers mètres : chute, croche-pied, perte de chaussure. Bref la totale. Le premier kilomètre sera donc dédié à slalomer entre les coureurs. D'ailleurs, je n'ai pas vu le panneau indiquant le 1er km. J'arrive au 2ème en 8'10'', j'ai donc perdu du temps sur le premier kilo, ce qui se confirme lorsque j'arrive au 3ème, puisque je passe en 11'38''. Mais voilà, il ne me reste que quelques mètres avant de commencer la longue montée qui nous attend, nous sommes à ce moment de la course au plus bas du parcours, soit à 3305m d'altitude. Et là, les choses s'inversent, les secondes, les minutes passent mais pas les kilomètres. Dès le début de la montée commence l'habituel bal des arrêts et des reprises de course, le fractionné en côte version bolivienne. Du coup, je commence à reprendre un grand nombre de coureurs mais ma vitesse n'augmente pas au contraire elle baisse, et sérieusement. Pour preuve, je passe au 5ème km en 22'20'' et puis au 6ème en 26'20''.  On arrive bientôt en haut de cette côte longue d'un peu plus de 3km et qui fait 190m+. Nous sommes au point le plus haut de cette course, presque à 3500m d'altitude. Paradoxalement, les jambes vont bien mais je ne peux pas accélérer. Je suis donc sur une sorte de rythme qui convient à mes jambes, à mon cœur mais pas à moi... Est-ce l'altitude, l'entraînement de cette semaine ? Mystère. Après cette longue montée, commence pour moi, la découverte du nouveau parcours. Sincèrement, je pensais qu'après cette longue montée, la suite serait plus clémente. Malheureusement, cela n'a pas été le cas. Sur les 4 derniers kilomètres, eh bien, au programme, c'est montagnes russes. Juste avant le 7ème km, une petite côte de 10m+ se présente à nous puis une descente, avant de retrouver une nouvelle côte juste après le 8ème. Cette dernière est plus sèche et fait environ 20m+ et évidemment elle est suivie d'une descente dans le même pourcentage que la montée, sèche... puis d'un faux plat qui nous amène au 9ème km, faisant 10m+. Depuis le 6ème km, je ne regarde plus ma montre pour le temps, surprise à l'arrivée, mais je regarde surtout ma montre pour le dénivelé et l'altitude. Sur cette fin de parcours, l'altitude oscille entre 3440 et 3480m. Course en haute altitude. Et que l'on se le dise : sur un 10km à La Paz, il n'y a jamais de plat, bien au contraire. Cela n'empêche pas le vainqueur du jour, Daniel Toroya (Oruro), de boucler ce parcours en 34'42'', une jolie performance, et chez les femmes, la plus rapide aura été Sonia Calizaya (La Paz) en 41'12'', tout de même... Pendant ce temps, les sensations sont bonnes sauf que je ne peux toujours pas accélérer. C'est peut-être un mal pour un bien comme aurait dit ma grand-mère. Au niveau du 9ème km, je pensais en avoir terminé avec les montées. Erreur, une petite dernière, de 20m+, juste avant de plonger, c'est relatif car il restait encore 500m de descente avant de franchir la ligne d'arrivée où le Président Evo Morales Ayma attendait les coureurs, à la plaza San Francisco. Résultat des courses : 10km accompagné de 250m+ pour un temps de 46'14''. Le sentiment oscille entre satisfaction d'avoir amélioré mon temps sur un parcours plus difficile avec plus de dénivelé, et mécontentement car je suis au-dessus des 45' et encore loin des 40' que j'atteindrai un jour. Promis. Mais l'essentiel était avant tout de faire une petite sortie urbaine avant l'un des objectifs de la saison qui aura lieu le 10 août dans les Yungas (département de La Paz) pour la Skyrace : 28km de montée pour 1800m+ (de 1200m à 3000m d'altitude). 



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Destination Trail N°9



Les 13km d'El Diario en Bolivie par Francçois Croci

La doyenne des courses en Bolivie. Cette année, cette course fêtait sa 41ème édition, environ 30.000 à 35.000 coureurs étaient présents pour cet événement très populaire où les écoles militaires, de police et autres viennent en nombre. Cette course est organisée par un des journaux de La Paz qui s'appelle El Diario qui fête cette année son 110ème anniversaire. Le rendez-vous était donné pour 7h30. Quinze minutes avant le départ, le speaker annonce que les concurrents en fauteuil roulant partiront à 7h30, que les hommes prendront le départ à 8h, suivront les femmes 10 minutes plus tard. Il ne reste donc plus qu'à attendre 45' dans le froid au milieu du peloton qui grossit à vu d'œil. 8H -3415m d'altitude-, le départ est donné, alors que certains coureurs continuent le décompte, les premières lignes partent. En ce qui me concerne j'attends la fin du décompte pour déclencher  mon chrono, au même moment commence une espèce de pogo : coups d'épaules, ça pousse à droite, à gauche et derrière. Je pense avoir mis une bonne trentaine de seconde avant de franchir la ligne de départ et de commencer à courir. Courir est un bien grand mot, puisque le temps que la masse des coureurs s'étende, il m'a fallu slalomer. Du coup, au niveau du deuxième kilomètre (situé à 3510m) et 95m+ , j'étais en 11'10'', pas vraiment sur des bases de 1 heure pour cette course. Mais, grâce à la longue descente ponctuée de deux petites montées qui cassent le rythme et les jambes, nous arrivons au sixième kilomètre, situé à 3345m d'altitude (soit 165m-), et j'ai pu rattraper un peu de temps perdu au début, puisque je passe en 27'30''. Mais je sais qu'après cette longue descente, eh bien, il y a une longue montée, nous sommes dans les Andes...La ville de La Paz n'est définitivement pas plate, il n'y a que deux alternatives : montée ou descente... Cette montée va nous mener jusqu'au point le plus haut de la course, c'est à dire à 3530m, soit 185m+ sur 3,5km. Autant dire que l'espoir de faire moins d'une heure en a pris un petit coup. Cependant, pendant cette longue montée j'arrive à doubler plusieurs coureurs car bon nombre  s'arrête et marche, d'autres reprennent leur souffle, font un sprint de 100m, puis s'arrêtent de nouveau avant de recommencer un nouveau sprint. Cette grande montée prend fin, nous devons être à 9,5km et le plus dur est fait. Les jambes se sont réveillées et elles ne semblent pas marquées par cet effort. J'arrive sous la bannière qui annonce « falta 3km », c'est à dire que nous sommes plus ou moins au dixième kilomètre, et ma montre indique 49'28''. Je me dis que ce n'est plus la peine d'espérer même si jusqu'à l'arrivée, ce n'est que de la descente. Mais paradoxalement, je ne me sens pas fatigué, j'ai même l'impression d'être de mieux en mieux. Sûrement que le fait de continuer à récupérer et à dépasser des coureurs me donnent l'impression d'être bien. Autant le début de la course a été chaotique, autant cette fin de course est motivante... et encourageante. Pendant ce temps, les premières coureuses auront bouclé ce parcours en 56'46'' pour la première, Jheovana Vera qui vient de monter dans la catégorie senior (« mayores »), la deuxième est Maria Chambi qui termine en 57'41'' et la troisième est une vétérane (« senior ») du nom de Yolanda Arroyo en 58'02''. En ce qui concerne les hommes, le premier est Reynaldo Huanca, un des meilleurs du pays, qui réalise le temps de 44'28''. Il est suivi de Richard Mamani en 45'02''et d'un vétéran, Rolando Pillco, qui termine en 45'47''. Concernant ma fin de course, je me dis que je peux essayer d'être le plus proche possible de l'heure et que l'année prochaine, je pourrai descendre en dessous. Aujourd'hui, il s'agissait avant tout de reprendre la compétition un mois et demi après le marathon de La Paz pour voir si j'avais bien récupéré. Je voulais également me tester et voir où j'en étais par rapport au cycle de VMA que je tente de mettre en place... Cette course était donc un entraînement. Le verdict : vers la fin de la course, je vois la ligne d'arrivée qui se trouve à 3370m d'altitude, je me dis que c'est fini et que j'ai encore de l'énergie, que je pourrais continuer sans problème, ce qui est rare me concernant. Une fois la ligne franchie, j'arrête mon chrono et oh surprise, ma montre indique 1h00'26''. Soit 11' pour les 3 derniers kilomètres, certes en descente... Donc, si on enlève les 30'' perdues au départ, normalement je devrais être légèrement sous l'heure. Résultat de la course : 13km avec 400m+ et 445m- pour un temps de 1h00'26''. Ce qui constitue une bonne base de travail. Une chose est sûre, je ne battrai jamais mes records, ici. Par contre cette année, je vais établir mes temps de référence de La Paz et les années suivantes je tenterai de les améliorer, une motivation supplémentaire pour les années à venir.  Il s'agissait donc de ma troisième course à La Paz. Ces courses ressemblent plus à des trails urbains qu'à des courses sur route traditionnelles. C'est une expérience unique même si j'ai hâte de participer à des courses qui auront lieu en dehors de La Paz dans un environnement moins urbain... Patience c'est pour bientôt, en attendant il faut continuer à s'entraîner pour ces objectifs futurs.



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Et voici donc le numéro 8 de Destination Trail. A lire sans modération ! Cliquez sur la photo.

 

Destination Trail N°8



Les aventures d'un Albigeois en Bolivie !

François Croci court depuis une dizaine d'année avec des départs pour l'étranger qui ont coupé régulièrement ses entraînements. Il vient de rejoindre la Bolivie pour une poignée d'années. Il se présente et nous raconte le début de son périple !

"Depuis fin 2008, avec ma femme nous avons vécu dans le Tarn à Castres puis à Albi jusqu'à avril 2013. Pendant cette période je me suis entraîné au TSA puis à Carmaux. Au niveau des résultats sportifs, je possède un record sur marathon de 2H50 à San Sebastian en 2011, sur 10km de 35'30 fin 2010. Après le marathon de San Sebastian, j'ai décidé de m'orienter vers le trail en participant au challenge des trails du Sud-Ouest où j'ai terminé 5ème au général en 2012. En 2013, je me suis lancé sur des distances plus longues comme le trail aux étoiles, le Lozère trail et le trail des Hospitaliers (abandon au 60ème kilo)... Puis en décembre 2013, pour des raisons professionnelles, ma femme, mes enfants et moi, nous avons dû partir pour la Bolivie où nous devrions rester plusieurs années et où je compte réaliser des courses sur route et des trails."

 Les 10km del Presidente Evo.

Dimanche 19 janvier a eu lieu le premier 10km de l'année en Bolivie, à La Paz, capitale du pays.   Départ Plaza Murillo, à 3445m d'altitude, avec la présence en tribune officielle d'Evo Morales, le président del Estado Plurinacional de Bolivia. Cette course constitue la première des 10 courses  del Presidente qui auront lieu tout au long de l'année en Bolivie. La Bolivie comportant 9 départements, il y aura donc une course dans chaque capitale des départements, soit 9 courses en plus de celle de ce dimanche, qui a été rajoutée cette année pour fêter la création del Estado Plurinacinal de Bolivia, datant du 22 janvier 2009. A l'issue de ces 10 courses de 10km, il y aura un classement général où les deux premières femmes et les deux premiers hommes seront invités par l'Etat bolivien à participer au fameux 15km de la San Silvestre de Sao Paulo (Brésil).  Cette course, qui a lieu le 31 décembre de chaque année, est la plus importante d'Amérique du Sud avec la présence de coureurs africains et des meilleurs coureurs latinos qui ont l'occasion de se confronter à ce qu'ils appellent « la crème de la crème » en terme de coureurs : les africains et plus particulièrement les Kényans et les Éthiopiens. Revenons à ce 10km, première fois que je vais participer à une course en altitude, à plus de 3000m d'altitude. L'acclimatation s'est bien passée et cela fait maintenant deux semaines que j'ai recommencé à courir pour me préparer au marathon de La Paz qui aura lieu le 16 mars. Du coup, j'ai décidé de prendre cette course  comme un entraînement. Objectif pour aujourd'hui : 50 minutes. Je participe à cette course avec un ami qui vit depuis quelques années à La Paz. Nous décidons donc de partir tranquillement, nous nous plaçons au milieu du peloton qui comprend un peu moins de 10.000 coureurs (sûrement parce que la course était gratuite) de tout âge (pas de limite d'âge) et de tout niveau. Le départ est donné par le président Evo Morales, lui-même, à 8h du matin. Nous sommes à 3445m d'altitude. Nous allons monter jusqu'à 3475m puis il y aura une petite descente, histoire de revenir à l'altitude de départ, avant de remonter de 15m d+. Nous arrivons au premier kilomètre. Ma montre affiche 5'23''. Il faut dire qu'il y a du monde et que les rues sont assez étroites. Il faut donc slalomer entre les coureurs, les trottoirs et les voitures stationnées. Un peu avant le deuxième kilo, je me retourne pour voir où est exactement mon ami, et je ne le vois pas. Je décide alors de garder mon rythme. Il y a déjà des coureurs qui s'arrêtent, qui marchent. Le peloton commence maintenant à s'étirer et il est plus facile de courir à son rythme. La première partie du parcours est assez facile car il y a beaucoup de descentes avec quelques petites montées qui font monter le rythme cardiaque très rapidement et qui calme directement certaines ardeurs, n'oublions que nous sommes à 3400m d'altitude environ. Bref, le profil de ce début de course me permettra de passer au quatrième kilo en 18'43'' puis au sixième en 27'35''. Mais, mais, voilà, au sixième kilo, ma montre affiche 3295m d'altitude et il reste 4 kilomètres avec 150m d+ à faire. Que de la montée. Les cuisses commencent à dire stop, les pulsations s'affolent. Je commence à être dans le rouge. Mais je me dis qu'il s'agit d'un entraînement et donc qu'il faut le prendre calmement. Mais c'est dur. Quand je pense que pour le marathon de La Paz, il faudra monter pendant 12 kilomètres jusqu'au péage d'El Alto (ville qui surplombe La Paz), situé à 3900m d'altitude, et que le départ sera donné à la Plaza España à 3400m, il faudra donc monter de 500m d+,  ensuite il n'y aura que de la descente jusqu'à l'arrivée, située à 3000m d'altitude environ, soit environ 900m d-. Je me dis qu'il faut que je travaille les montées sérieusement et je prépare mes cuisses pour la descente. Revenons à la course, j'ai l'impression de courir au ralenti mais je continue à doubler des coureurs qui ont choisi l'option marche en montée. Au milieu de cette longue montée, je commence à penser aux premiers, sont-ils déjà arrivés ? Et les premières féminines où sont-elles ? Loin devant ? Ces pensées me permettent d'avancer tranquillement, impossible de monter plus vite, les jambes ou le cœur disent stop, pas plus vite. A quelle vitesse les premiers ont-ils monté ces quatre derniers kilomètres ? Tout ce que je peux dire c'est que la première féminine, Sonia CALIZAYA terminera en 40'15'' et que les deux suivantes qui sont Claudia CORNEJO et Vianca PEREYRA termineront respectivement en 40'21'' et 40'28''. Cela a été serré jusqu'à la fin comme chez les hommes où Reynaldo HUANCA (La Paz) termine en 35'37'' devant Rubén ARANDO en 35'42'' et Ausberto LUCAS en 35'46''. Les trois premiers se tiennent en moins de 10'' sur ce parcours très sélectif, c'est peu, très peu. La bataille pour les deux premières places au classement général va être intense. Les premiers femme et homme remportent, également, la somme rondelette de presque 1500€ (soit plus de 10 fois le salaire minimum en Bolivie). Les dix premiers femmes et hommes étaient récompensés, le dixième remportant la modique somme de presque 800€. Ces sommes permettent de développer la course à pied, de favoriser les athlètes de haut niveau qui s'entraînent durement et d'attirer les meilleurs athlètes nationaux. Retour à la course, nous sommes donc vers le neuvième kilo, à ce moment là, je reconnaît l'endroit et je sais que le plus dur est fait, j'encourage une féminine en lui disant que l'arrivée est très proche. Léger faux plat  montant puis nous tournons à gauche, cela descend et l'arrivée est juste là, sur la gauche, avec le président Evo Morales et le vice-président Alvaro Linera Garcia qui encouragent les coureurs. Au sujet de la féminine que j'avais encouragé, elle m'aura littéralement  déposé dans la descente, sans problème, comme si elle pouvait courir encore et encore. En ce qui me concerne, quand j'ai vu la ligne d'arrivée, je me suis dit : ouf, enfin... Sacré entraînement... Temps réalisé : 49'39'' soit 22'04'' pour faire les 4 derniers kilos. Le dénivelé total de la course approche les 220m d+. Pour faire un temps, il faudra attendre le mois de juillet où aura lieu de nouveau ce 10km du Presidente Evo à La Paz. L'objectif en juillet sera de se rapprocher des 40 minutes. Il y a du travail...



4ème Trail de Rodrigues : tellement authentique, tellement beau !

 Il y a des paradoxes difficiles à expliquer. Celui du Trail de Rodrigues peut en faire partie tant il est difficile de concevoir d’aller le plus vite possible sur une épreuve qui se déroule dans un endroit où prendre son temps est une vraie religion. Et pourtant cette année, le Trail a connu, pour sa quatrième année consécutive, un succès sans précédent. Tous les records de participants ont été battus et des joélettes se sont même invitées à la fête à la plus grande joie de deux associations d’handicapés notamment !Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit. Les Rodriguais ne sont pas fainéants, loin s’en faut. Mais le rythme des journées sur la petite île de l’océan indien est bercé par l’intensité de l’astre solaire. Bref quand il fait très chaud, on se repose et du coup on retrouve sans aucun doute le vrai sens du mot « vie » à notre époque où le net fait circuler les infos à la vitesse de la lumière, où des résultats de course à pied, pour parler de ce que je connais, sont déjà publiés avant même que les épreuves n’aient eu lieu !A Rodrigues, certains diront que l’on a fait le tour de l’île en quelques jours seulement et que deux séjours ne serviraient à rien. Malheureux sont ces gens-là et sans doute sont ils prêts à se lasser tout aussi vite de tout ce que l’on peut leur mettre entre les mains. Car à Rodrigues, rien n’est jamais tout à fait pareil d’un jour à l’autre. Et il faudrait certainement plus d’une vie pour pouvoir imaginer connaître tous les recoins du pays sur le bout des doigts. Alors c’est vrai que ce joyau de l’océan indien n’est pas si grand, quelques dizaines de kilomètres carrés à tout casser, mais le lagon est immense et regorge de merveilles, mais les ravines et autres petits monts s’entrelacent magnifiquement pour donner un paysage à couper le souffle. Les activités nature ne manquent pas du coup et chacun, tourné un tant soit peu vers l’extérieur, peut certainement y trouver son bonheur. Je ne vous parle pas non plus de toutes ses couleurs vives qui changent au fil des heures de la journée. Le bleu et le vert du lagon, le blanc et le nacré du sable, les rouges et jaunes de plantes et des ombrelles des habitantes, les verts et les pastels de la végétation… Flamboyants, arbres du voyageur, cocotiers, bananiers, goyaviers, bougainvilliers, le site est préservé, protégé. Déjà les habitants ont compris l’intérêt de faire attention à leur entourage, à leur environnement. A Rodrigues, on peut se laisser tenter par un pêche à la z’ourite, à pieds en bateaux, par une partie de dominos le soir sur une plage, par un petit tour dans le marché local, par une traversée de l’île dans un bus local à l’ambiance débonnaire. A Rodrigues, on communique facilement aussi. Les gens sont souriants, accueillants et toujours prêts à vous répondre, à échanger aussi. Ils ont le temps de vivre ou ils le prennent, c’est comme on veut. Et du coup, on se sent en sécurité. Il n’y a pas de délinquance sur l’île, pas de violence, les conversations s’enchaînent autour d’un petit verre de rhum ou d’une « Phoenix » fraîche. Le paradis existe donc bien…

 

 Les portes du paradis

 

Mais du coup, l’enfer ne doit pas être si loin et comme on dit, ne faut-il pas avoir côtoyé le plus dur pour connaître le plus doux ? C’est certainement pour cette raison que quelques passionnés de course à pied ont décidé de mettre sur pied, il y a quelques années un trail décliné en trois distances. Deux petites, ouvertes à tous, pour rassembler le plus possible de monde et pourquoi inciter beaucoup de locaux à se mettre au sport aussi et une grande de 38 km, pour se lancer un défi, pour tenter quelque chose. Car la vie du Rodriguais n’est pas aussi simple que son pays est beau. Le travail n’abonde pas et il faut bien se nourrir. Du coup entre la pêche, l’agriculture, l’élevage et un peu de tourisme, ils sont nombreux à rêver d’une vie meilleure sur l’île voisine, Maurice, même si ceux qui « tentent le coup », en reviennent le plus souvent désenchantés… C’est rarement mieux ailleurs ! La course est une façon d’exister, de se changer les idées, de se montrer un peu aussi. Et d’une certaine manière, Antoinette Milazar, a plus que gagné son pari. L’an dernier, elle remportait l’épreuve en finissant dixième au général. Cette année, dans un contexte plus relevé encore, elle gagne encore et finit huitième au total devant tout de même une certaine Emilie Leconte, marraine de l’épreuve et vainqueur entre autre du Grand Raid de la Réunion. Antoinette s’est fait un nom. On commence à en parler un peu partout désormais dans le monde du trail et il parait évident qu’elle va se faire inviter sur quelques belles courses des îles voisines pour prouver sa vraie valeur et pourquoi pas bientôt en France pour un destin encore plus grandiose. L’avenir nous le dira bien…Mais pour l’heure, je reviens avec vous sur ce sentier de la souffrance. Vers le kilomètre 13 justement, Antoinette me double dans une montée interminable. Tout en haut des dizaines de locaux scandent son nom. Elle trottine sans changer de cadence. Elle est insaisissable. Elle revient toute aussi légèrement sur le Mauricien Yann de Maroussen, qui est pourtant un sacré gaillard. Je suis la tête dans le sentier comme on dit, arc bouté sur mon effort. Le soleil est mon ennemi aujourd’hui, comme il va l’être pour beaucoup des 250 inscrits à la longue distance. On sera plus de 750 en tout sur la matinée à courir sur une distance au moins des trois proposées. Je connais la course pour l’avoir couru deux fois auparavant. Je sais qu’une chape de plomb va s’abattre sur moi à un moment ou à un autre. En venant directement de France, on ne peut se préparer si vite à l’agression du soleil, d’autant plus que les deux ou trois jours précédents la course, cette année, il a fait particulièrement bon. La faute à une dépression qui a tourné sur l’océan indien juste avant notre arrivée, faisant plaisir à tout un peuple qui manque, rappelons-le au passage, cruellement d’eau. Devant, bien loin devant, les Réunionnais et les Mauriciens, un peu chez eux, se disputent la victoire. Julien Chorier, venu donc pour une deuxième fois, essaye de tenir le cap. Cette fois, il ne sort pas tout juste d’un Grand Raid, il est en pleine préparation pour la Saintélyon de début décembre. Il va donc jouer sa carte à fond. Il finira quatrième finalement. Ittoo Madeo (alias Vishal), déjà vainqueur avec Fabrice Armand (Réunion) en 2011, malheureux en 2012 – abandon   deux fois deuxième, ira chercher la victoire, au nez et à la barbe du grand favori, René Paul Vitry qui lui, finira main dans la main avec son copain réunionnais, Armand. Moi, j’attends déjà le coup de grâce. La montée vers « chez Jeannette », célèbre table et maison d’hôte de l’île, semble interminable. Le coca frais servi dans une ambiance africaine, avec séga endiablé, remet du baume au cœur. Mais cela ne suffit pas. Le soleil tape de plus en plus. Bientôt chaque pas sera une douleur supplémentaire, les muscles sont contractés et se crispent dans d’insurmontables crampes. J’ai essayé de boire le plus régulièrement, j’ai pris quelques pincées de sel aussi ici et là sur les ravitos, cela ne suffira pas. Je m’arrête quelques minutes devant une petite table installée là par des habitants dont la case est juste derrière. Quelques verres qu’ils nous tendent et qu’ils ont su garder au frais. Et dire que pour eux, l’eau est sacrée ! Plus loin, un autre spectateur porte un cochon dans un sac en bandoulière. Il est fier et heureux. L’animal un peu moins. C’est dimanche, jour de fête aussi et pas que de trail. Chacun que le sentier tracé à travers quelques villages et pas mal d’habitations disséminées nous gratifie d’un encouragement. Les petits nous suivent en courant sur quelques mètres, et s’en retournent pour faire de même avec ceux qui arrivent derrière moi, les « mamas » ne crient pas et n’applaudissent pas et pourtant, on entend juste en passant devant un « allez courage mon brave ! » et cela fait vraiment chaud au cœur. Le Rodriguais est réservé et pas exubérant. Mais il est prêt aussi à aider et à rendre service. En tout cas, il commence à bien connaître son « trail », sa course et attend le passage des coureurs depuis longtemps déjà. De là à ce que le Trail de Rodrigues devienne le Tour de France du coin, il n’y a qu’un pas… Et c’est ce pas là justement qu’Aurèle, l’organisateur, Eric, le directeur de course, et toute son équipe, ne demande qu’à franchir, bien aidés qu’ils sont par l’Office du tourisme et quelques sponsors fidèles. Pour ma part, je franchirai la ligne, quelques heures plus tard, repus, mais heureux. Heureux aussi de pouvoir reprendre mon temps. Mon temps de vie !

 Rémy Jégard

 

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Nouveau week-end à Tataouine !

Tataouine, un lieu magique, le bout du monde lorsqu’on s’y réfère. On pense alors envoyer quelqu’un au diable quand il ne s’agit que d’un paradis. Une autre planète, sans doute, parmi d’autres étoiles. Un oasis, un havre de paix, un lieu de vie en plein désert. Cette fois, on n’y vient pas faire du cinéma*. Seulement courir, courir et se recueillir. Rencontrer et découvrir. C’est donc là-bas le trésor : l’aviez vous cherché ? Vous l’avez manqué. Sur ces vagues de dune, les jambes et le corps meurtris par les efforts, les yeux rivés vers le ciel d’un bleu roi, l’heureux coureur scrute l’horizon. Il poursuit sa course entre les pierres, hume, profite de chaque grain de sable. Le sac et l’outre lui collent à la peau. Ses tempes sont blanchies de sel. Il fait doux, la lumière intense renvoie des couleurs vives. Du bleu, du blanc, de l’ocre. Sous les pieds de l’infatigable qui chemine, l’immensité du désert. Ses pas sont feutrés. Ici, le silence s’écoute, il suffit de lui tendre l’oreille. Il ferme alors les yeux. Et son imagination déborde. Deux jours durant. Le temps de vivre une des plus belles aventures que la vie puisse réserver : un week-end évasion à Tataouine.
Le week-end évasion a été proposé cette année pour la troisième fois. Trois courses en deux jours. 31 décembre et 1er janvier, les dates font référence. Une aventure humaine qui défie les hommes tout en les rapprochant. Ksar Ghilane, Douiret et Guermassa dans l’extrémité sud de la Tunisie. Du sable et des pierres. Quelques oliviers. Olivier, Pierre et quelques autres. Des privilégiés qu’ont déposés là un vaisseau de la Tunisia Air. En une traversée du désert, l’association Carthago propose aux participants une pénétration totale dans la culture tunisienne, un partage, une découverte, un mélange. Elle emmène les coureurs chez l’habitant, au cœur de l’erg, puis du reg, un bivouac dans l’oasis, un déjeuner sous les tentes des nomades berbères et une nuitée en village d’habitations exclusivement troglodytes et séculaires. Quelle originalité pour un réveillon loin de tout. Le son des darboukas, des tabls, leurs rythmes endiablés, la lancinance des guitas et des mezoueds résonnent encore sur la place. Frénésie d’un nouvel an passé au clair d’une pleine lune. Boire et courir, il n’y a pas lieu de choisir. Aux efforts fournis, aux kilomètres parcourus, s’ensuivront le délassement dans l’un des plus beaux hôtels. Djerba la douce. Aussi court soit le séjour, l’évasion que propose Azdine Ben Yacoub sur la terre de ses ancêtres n’a pas de prix. L’instigateur de l’épreuve est Tunisien et vit à Paris. Cultivé, passionné par les deux pays, il sait orchestrer avec talent l’organisation de l’épreuve qu’il a lui-même créée. Sa gouaille, son verbe, son sens du troc, ses qualités en relations humaines, ses connaissances ouvrent toutes les portes du désert. Azdine chez lui offre à la caravane qui passe la clé du désert, l’eau
désaltérante de l’oasis. Il initie le curieux coureur à sa propre culture, aux saveurs culinaires, au dessous des souks, à la musique, aux danses, aux chants. Bel entrain pour l’entrainement. Prétexter courir ne dupe plus personne. Mangez, buvez, courez, chantez,
dansez. La soif de découverte, la faim du dépaysement, l’échange avec les Autres sont des critères aussi prioritaires que le goût de l’effort. La compétition est secondaire.Trois courses en deux jours. La première, courue la dernière journée de l’année est longue de dix huit kilomètres et traverse le sable exclusif des dunes autour de Ksar Ghilane. Le sable fin s’immisce volontiers en boules compactes dans la chaussure du marathonien, réduit l’espace, contraint. La silice irrite les chairs. Les ampoules s’allument. La seconde spéciale, courue de nuit, emporte l’évadé et sa frontale dix kilomètres durant sur les chemins caprins du plateau rocailleux de Douiret. Fléchage à
l’épée fluo. Le faisceau de la lampe ne livre pas les rochers mais les compose, nourrit de matière tendre chaque chose. Le ciel noir s’est chargé de cotonnade que la lune embrase. Sous les pas assourdis, ce n’est plus vraiment le luxe du sable épais. Les incongruités du sol appellent à la vigilance. Le menu d’un réveillon de nouvel an fera office de ravitaillement. Place à la fête, aux embrassades. La terre clôt une nouvelle révolution. 2013 est née. La nuit sera courte et la dernière course, disputée la première matinée de l’année, impose aux jambes aguerries de digérer le champagne englouti. Dix huit nouveaux kilomètres de pierrailles et de pierriers pour réussir à parfaire son évasion. S’évader, ne plus vivre enfermé, s’ouvrir, s’échapper, parvenir, parcourir. Chaque concurrent donne le meilleur de lui-même, se laisse prendre au jeu, se défend, se défie. Derrière Laurent Labit, impérial sur les trois étapes, la jeunesse de Valentin Tubeuf fait un pied de nez final aux quinquagénaires Brice Rohaut et Karim Mosta. Chacun des participants s’est démené pour préserver sa place et gagner son classement. Tous ont couru, ou marché, avec leurs possibilités, leur talent, leur volonté. Les trois parcours
proposés lors du week-end évasion ont été autant de mises à l’épreuve et d’exploits peu communs.
Regardez ces photos du désert. C’est pour beaucoup de ceux qui ont déjà fait le détour, le plus beau paysage du monde. Week-ends évasion ou marathons des oasis, l’esprit des trails proposés par Carthago est tellement hors normes qu’il convient ici d’alerter le lecteur. Carthago propose sur le même terrain de jeu à deux autres moments de l’année des manifestations similaires, fin avril, fin novembre et fin décembre. Il vous appartient dorénavant d’enregistrer votre prochaine participation à l’une de ces aventures. En ces temps agités decrise, d’intolérance religieuse et de révolutions, la Tunisie est quoique l’on en dise, restée paisible. Quiconque prétendrait le contraire s’avérerait auteur de canulars. La précision est de taille. Le pays, si accueillant, est maintenant boudé par les touristes que leurrent injustement certains médias. Croyez-le, tenez vous prêts, et laissez-vous tenter. Allez vous aussi goûter à l’évasion. Vous n’en reviendrez certainement pas comme vous en êtes partis. Inch’Allah.(*Georges Lucas a tourné la planète Tatooine de Star Wars dans ces contrées)
Brice de Singo.




Une reine et un roi kenyans au marathon de Madagascar !

Le Marathon International d’Antananarivo a vu le sacre de deux illustres représentants du Kenya, malgré une concurrence malgache résolument fière.

Pour sa 13e édition, l’épreuve annuelle de fond de la capitale malgache nous a réservé un beau spectacle, avec en prime un finish empreint de suspense chez les hommes.
Ce dimanche 14 octobre 2012, sous un soleil radieux annonçant l’été à venir, 232 concurrents s’étaient donnés rendez-vous sur la ligne de départ. A 7h, le starter retentit enfin, libérant le flot des coureurs s’élançant depuis l’Avenue de l’Indépendance. Nous voilà parti pour une boucle de 42,195km autour de « Tana ».  
Dans les premiers kilomètres, le marathon produit son effet habituel et le cortège s’étire lentement, mettant au jour les différences de niveaux entre les athlètes venus défier les longues lignes droites et les quelques pentes du tracé. Pourtant, un groupe de favoris tient la cadence. Les kenyans ont certes pris le contrôle des opérations ! Avec David Kiprono Langat et Jane Nyambula. Mais la résistance s’organise, notamment avec les meilleurs représentants locaux. Les malgaches Randriasoalaza, Andriamparany (double tenant du titre) et Rakotodrasoa emboîtent le pas de David Langat. Le Kenyan poursuit sa foulée sur un rythme élevé. Les poursuivants suivent de plus en plus difficilement à compter du 10e kilomètre… Le favori du jour semble percevoir l’avantage psychologique qu’il engrange. La course prend alors une autre tournure. Le leader se retourne plusieurs fois en quelques hectomètres et accélère sensiblement sa foulée. L’écart se creuse. Au kilomètre 22, il a déjà près de 4mn d’avance sur ses concurrents malgaches et semble parfaitement calme et détendu malgré l’allure qu’il s’autorise. On se dit que le vainqueur du dernier Marathon de Toulouse a les ressources pour affoler les chronos. Son avance croît toujours à mesure que les bornes défilent. Il atteint les sommets de son insolente domination au kilomètre 29. Là, on enregistre ses premiers poursuivants 7mn14s après son passage ! Dans le même temps, le scénario prend des allures de remake chez les dames. Les noms changent. Les nationalités restent les mêmes. Aux commandes, Jane Nyambula, dans le rôle de la kenyane motivée ! Suivent dans son sillage, l’icône locale du fond, Clarisse Rasoarizay, et une autre malgache de haut vol, Landy Ratinarisoa. Ici encore, malgré un petit groupe dans le vent pendant les sept premiers kilomètres, seules ces deux athlètes parviennent à suivre la kenyane. Mais l’effort se lit rapidement sur leur visage. Le duo malgache est en sur-régime pour suivre Nyambula. A partir du 12e kilomètre seulement, le courage ne suffit plus pour Rasoarizay et Ratinarisoa. La favorite au maillot rouge-vert-noir se détache rapidement. Elle survole ensuite l’épreuve jusqu’à son terme en gérant parfaitement son effort. La ligne d’arrivée est franchie en 2h52mn07s. Un chrono satisfaisant pour la kenyane qui se dit en pleine phase ascendante. « Je commence à ressentir les bénéfices de mes derniers plans d’entraînement et j’avais besoin d’une course référence comme aujourd’hui pour me redonner confiance. C’est de bon augure pour les événements à venir et notamment les championnats d’Afrique où je m’alignerai en février. C’est un objectif principal de ma saison » résume-t-elle. Pour illustrer la domination de Jane Nyambula, retenez simplement le temps de sa dauphine sur la ligne d’arrivée. 3h01mn38s pour Clarisse Rasoarizay ! Près de 10mn d’écart. Pourtant la malgache n’aura pas démérité et aura poussé jusqu’au bout sans pouvoir faire mieux faute à une condition physique pas encore optimale. Clarisse débute effectivement une préparation spécifique de plusieurs mois (qui devrait l’emmener au sommet de sa forme avant le Marathon de Paris) et laisse trop d’énergie à l’entraînement comme elle nous l’explique en interview d’après course. « Jane (Nyambula) était très rapide ! J’ai tenté de maintenir mon meilleur rythme mais ma foulée était un peu lourde. J’ai souffert physiquement. » Chez les hommes, la fin de l’épreuve sera par contre haletante. Tout coureur exceptionnel qu’il est, David Kiprono Langat n’en est pas pour autant une machine. Il finit par payer les efforts réalisés en milieu de course où il nous a impressionnés. Sa foulée se raccourcit. Puis ralentit… Il commence à grimacer sous le franc soleil malgache qui a maintenant gagné en assurance. L’écart se resserre alors peu à peu, à chaque kilomètre. Une nouvelle que l’on s’empresse de colporter aux poursuivants locaux. Haja Andriamparany et Prosper Randriasoalaza, prennent la mesure de la situation. Pour eux, le kenyan en a trop fait et il y a un risque qu’il s’effondre. Les deux compatriotes décident d’aller le chercher, ensemble. Regonflés à bloc, ils reviennent bon train sur l’homme de tête sans que ce dernier ne puisse stopper l’hémorragie. La longue descente dans le 35e kilomètre parait affecter encore davantage Langat. Les deux wagons du TGV malagasy comprennent alors qu’ils peuvent viser la victoire. Dans le quartier d’Andavamamba, les deux poursuivants parviennent à nouveau à lire le n°4241 sur le dossard du kenyan. A vue de nez, à peine 60m les séparent. C’est alors qu’au dernier ravitaillement, David Kiprono Langat allonge sa foulée et augmente la cadence subitement. Derrière lui, surpris, Andriamparany tarde à répondre. Puis le malgache courbe alors le buste, écarte ses appuis en balançant les bras dans ce qui ressemble à la mise en action douloureuse d’un sprinteur du 42e kilomètre. A la recherche du dernier souffle, il oblige le kenyan à sprinter pour la gagne, ce qu’il fera sans faillir, coupant la ligne en 2h2616s, au grand dam d’Andriamparany qui termine à seulement deux secondes ! Vainqueur l’an passé, il n’a rien à se reprocher puisqu’il améliore même son chrono. Derrière, Randriasoalaza gagne sa place sur la 3e marche, dans la même minute que les 2 héros. A voir le grand sourire de Langat levant les bras devant les caméras, le kenyan s’est peut-être fait quelques frayeurs. Cela transparait dans ses propos. « Je voulais m’imposer, avant tout. Je me sentais bien et j’ai attaqué au 15e kilomètre. Mais le parcours était éprouvant et les 10 derniers kilo ont été très dur. J’ai vu que je perdais beaucoup de terrain» concède-t-il ! «Mais j’ai réussi à tenir tête dans la dernière ligne droite et c’était incroyable de gagner de cette façon ! » Malgré la déception, les 4 malgaches médaillés retrouvent le sourire lors de la cérémonie des récompenses où retentit ce message fort, les exhortant à poursuivre leurs efforts et pourquoi pas gagner leur place pour les prochains Jeux Olympiques. Tananarive avait de quoi être fière. Les locaux ont brillé devant leur public, assurément. Mais ce dimanche 14 octobre, à « Tana », le roi et la reine étaient kenyans !"

 

 


Le Grand Raid de la Réunion 2012 : quand Kilian s'offre le Maïdo !

Cela fait déjà quelques heures que je poireaute dans la montée du Maïdo. Les coureurs du Grand Raid doivent passer par là. Tous. Sans exception. C’est la grande nouveauté de l’année. C’est même pour cela que le parcours a été un poil rallongé. 172 km contre 163 l’an passé. Vous parlez d’un poil vous ! En tout cas, c’est pour beaucoup d’experts locaux, la grande difficulté de cette 20ème édition. Le juge de paix. Plus de 1200 mètres de dénivelé à se prendre d’un coup dans les dents. Après tout de même plus de cent bornes dans les pattes. Cela vous en bouche un coin. Ca calme…

J’ai suivi les prévisions horaires du road-book et je me pointe donc un peu en avance sur place. Depuis Saint-Paul, une des principales villes de la côté ouest de l’île, il faut bien trois quarts d’heure pour monter tout là haut. Successions de virage sans fin où il faut anticiper les véhicules qui descendent pour ne pas se retrouver dans la ravine… Il ne fait pas beau. Les raideurs qui sont partis la veille au soir ont déjà bien été arrosés durant la nuit par les pluies incessantes, et annoncées donc suite au passage d’une dépression dans la zone, ils ne seront pas plus gâtés, du moins pour les premiers, dans cette portion. Et dire qu’ils sortent à peine du cirque de Mafate où la chaleur les aura accablés. C’est aussi ça le Grand Raid, des changements de conditions de température qui font mal au corps et qui vous minent l’esprit. Difficile de se garer en débouchant tout là haut. Je sors d’une épaisse brume pour entrevoir un rayon de soleil. L’environnement est rocailleux, sec et désolé, quasi lunaire dans des énormes dalles de roche volcanique. L’ambiance est posée. Il y a déjà des dizaines de voitures, pour ne pas dire des centaines… Il n’y aucune aire de stationnement si ce ne sont quelques renfoncements sur le bord de la route qui sont censés accueillir dans l’année quelques randonneurs volontaires. Un petit bout d’herbe sur le bas-côté fera mon affaire. Je termine, comme tout le monde les derniers mètres, à pied, en montée… Au sommet, c’est une vraie ambiance de kermesse. Environ une centaine de personnes a pris d’assaut le sommet qui ressemble à une arrivée de Tour de France. Les serviettes servent de tapis. Les uns grignotent tranquillement, les autres scrutent déjà le fond de la vallée. Mais il va falloir attendre. Et pas qu’un peu… Les leaders ont pris du retard sur l’horaire le plus pessimiste. La faute à ce foutu parcours qui est de plus en plus rude. Quand vous pensez que même Kilian, l’extraterrestre, va mettre plus de 26h pour arriver au bout. Cela vous pose la course. Le dixième pointera en 35h. Ouf ! Je commence donc à descendre un peu. Pour taper un ou deux clichés sympas. Mais le petit sentier pas plus large qu’un triple décimètre est déjà noir de monde. Chacun essaye de trouver sa place. Personne ne veut rater l’arrivée des premiers. Personne ne veut louper le passage de Kilian surtout. C’est devenu une véritable star sur l’île. Un demi-dieu vivant. Quand on connaît la passion des réunionnais pour la course de montagne, on peut facilement imaginer le statut que peut occuper le meilleur traileur au monde. J’ai rarement vu autant de randonneurs à cet endroit. Et pour cause, c’est la pente la plus dure que l’on peut trouver sur l’île. Ou peu s’en faut. A croire qu’énormément de réunionnais se sont mis au sport et ont franchi le pas. C’est bien de le penser en tout cas… Mieux vaut être en montagne en train de crapahuter que de s’envoyer un dernier petit verre de rhum arrangé… Ce n’est qu’un avis !

Les passages de brume succèdent aux passages ensoleillés. L’attente semble hors du temps. A l’instant, vous n’y voyez plus rien. Vous êtes enveloppé de la tête au pied et il vous faut deviner où vous conduira le prochain mètre sur le sentier. L’instant d’après vous êtes projeté sur la totalité du cirque qui s’offre enfin à vous. Vous devinez ainsi facilement La Brèche en contrebas d’où vont surgir les raideurs.

Kilian devait passer à 13h30. Il ne sera là qu’à 16h. Attendre. Ronger son frein. Parler avec d’autres passionnés. C’est un grand jour à la Réunion. Tout le monde est prêt à braver la montagne, les éléments, à faire partie de la fête. Chacun connaît cette spécialité qu’est le trail, peut citer le nom des plus grands champions, détailler leur palmarès. C’est impressionnant. Je croise Christophe Jacquerod et sa compagne qui ont décidé, sacs au dos, de descendre tout à fait en bas, vers Roche Plate. Véritable petit paradis, hameau de quelques maisons, niché en plein cœur de Mafate. Accessible que par la sente. Que par la force des mollets. Le Suisse est un ancien vainqueur du Grand Raid. Il l’avait emporté ex-aequo avec Vincent Delebarre. Tous les locaux s’en souviennent encore. Il a donc reçu, tout comme tous les anciens vainqueurs, son invitation pour venir participer à la 20ème édition. Vincent aura pris le départ. Pas lui donc qui se remet tout juste d’une opération à son tendon d’Achille. Ses yeux pétillent tout de même d’un certain amour pour l’île… Il se souvient de sa victoire et de cet engouement local qu’il n’aura jamais plus retrouvé. Jacquerod reste aussi l’un des plus beaux palmarès de la discipline.

Et puis bientôt ; c’est la meute. Je vois un homme arc-bouté sur lui-même jusque quelques lacets en contrebas. Les voix se sont élevées dans la montagne, précédant l’arrivée du champion. Il a les mains posées sur les cuisses qui le propulse à chaque impulsion vers le haut. D’ici le rythme parait timide, on a même l’impression qu’il souffre. Mais Kilian avance et ne s’arrête pas. Et à vouloir le suivre quelques kilomètres pour essayer de saisir l’image au vol, je me rends vite compte que l’allure est encore élevée. Derrière lui, une bonne dizaine de réunionnais lui emboîtent le pas. Certains depuis le bas, beaucoup depuis quelques centaines de mètres seulement. Ca braille, ça rigole, ça crie. C’est la fête de la montagne. Des petits appareils photos de poche, des petites caméras miniatures, tout le monde veut sa part du gâteau. Kilian entame même une petite chanson quand son pote espagnol, caméraman Salomon, vient à sa hauteur pour immortaliser la scène. « It’s a baby girl… » Sûrement un pari d’avant course ? Allez savoir… En tout cas, il n’a pas l’air déstabilisé par cette garde rapprochée. Il reste dans sa bulle. Il trace sa route. Jusque-là, il était en compagnie de son compatriote Iker Kerera. Celui-ci a eu un gros coup de barre quelques instants plus tôt. On a même cru d’ailleurs qu’il abandonnerait tout de suite. Mais il repartira et c’est bien qui passera au sommet du Maïdo en deuxième position. Peut-être un peu trop rapidement d’ailleurs car il stoppera tout de même plus loin et définitivement. Au ravito, c’est une foule compacte et dense qui entoure « la bête curieuse » quand elle s’assoie cinq minutes pour se désaltérer, manger et enfiler son coupe-vent. Il parle, sourie, répond aux sollicitations de la presse locale. Il n’a pas l’air de souffrir. Mais de quelle matière est-il fait ?

Kilian s’envole ainsi vers une victoire écrite à l’avance. Quand on le laisse, il est seul. Plus personne ne veut ou ne peut le suivre. Il entame la descente. Quelques kilomètres plus loin, un dernier coureur toutefois lui demande gentiment si ça le dérange qu’il l’accompagne un peu. Il répond : « pas de souci ». Je m’arrête là. La magie du moment est passée. On comprend mieux ainsi comment ce coureur est devenu une légende. A la fois indestructible et tellement humain. Mais que cherche-t-il vraiment ? Jusqu’à où ira-t-il ? Il a déjà tout gagné, battu tous les records. Et il est encore si jeune. Peut-être un absolu total qui peut le porter vers des horizons que nous n’osons même pas imaginer ? Mais cela est une autre histoire… Bientôt passeront Iker qui abandonnera plus loin, Antoine Guillon qui à sa manière de gestionnaire de génie, a réussi finalement à prendre la deuxième place, encore une fois, Sébastien Buffard, qui stoppera aussi et puis Arnaud Lejeune, magnifique troisième au final ! La nuit commence à tomber. Pour beaucoup de coureurs, la montée du Maïdo se fera donc dans le noir. C’est peut-être pas plus mal après tout. Ne pas voir la difficulté, c’est déjà la dompter un peu…. Moi je repars vers le départ de l’autre course du week-end, la Mascareignes et ses 63km, du côté de Grand Ilet, à l’opposée d’ici… Mais c’est une autre histoire aussi. Cet après-midi passée à crapahuter avec les meilleurs traileurs du monde restera à jamais gravée dans ma mémoire. C’est la magie du Grand Raid de la Réunion. Une ambiance extraordinaire parée d’une convivialité sans borne… C’est le nec plus ultra ! Pourvu que cela puisse perdurer ainsi encore quelques décennies…

 

Retrouvez toutes les photos du Grand Raid 2012 en cliquant ICI



Runfire Cappadocia : entre paradis et enfer !!

 Bien sûr, il y a le dépassement de soi, la recherche de ses extrêmes limites, le regard sur soi, une introspection qui pousse l’ultra marathonien dans ses derniers retranchements. Plus l’épreuve est difficile, plus l’extase est grande. Le Runfire Cappadocia est certainement l’un des ultra-marathons les plus difficiles au monde. La course du feu. Six jours d’enfer à vivre au paradis. Les règles sont strictes, le décor grandiose. En juillet, en Turquie, il fait chaud, si chaud. Bâté, le concurrent charrie sur son dos une autonomie complète. Ainsi, il part vigoureux. Jusqu’à l’épuisement, il portera ses pieds l’un devant l’autre. Six jours durant.

Après deux éditions disputées en 2010 et 2011 le long de la voie lycienne sur les rivages méditerranéens du sud de la Turquie, l'aventure s’est perpétuée cette année dans un autre royaume, la Cappadoce. L’organisation, dirigée par le docteur Taner Damci, réglée comme du papier musique que distillerait un orgue de barbarie, sait livrer de formidables prestations. Elle a créé cette année le Runfire Cappadocia Ultra Marathon, une course mobile, itinérante courue en six étapes sur 240 km au sein d'un site historique considéré comme un héritage culturel unique sur notre bonne Terre, celle que l’on aime tant fouler. Elle a offert aux participants la chaleur du désert, l'atmosphère mystique d’un décor hors normes et un environnement naturel aussi surprenant que varié. Ce fut beau, très beau, aussi beau que difficile. Les caractéristiques principales qui font la beauté et la difficulté de l’épreuve sont multiples. Il y a d’abord le décor, la Cappadoce, connue pour ses paysages pittoresques résultant du volcanisme et de l'érosion, pour ses églises rupestres ornées de fresques, pour ses habitations troglodytiques et ses cités souterraines. Et Tuz Golu, le lac salé. Des étendues de terre où l’horizon se perd dans la multiplication des couleurs. La lumière y est vive, l’air caressant, le jardin édénique. Les arbres croulent sous le poids des fruits sucrés. Il n’y a qu’un bras à tendre. A perte de vue les champs de fleurs s’étendent. Du rouge, du vert, du bleu, du jaune. Les prés verdoient. Les blés sont blonds et les moissonneuses de nos grands pères s’affairent encore. Un berger et ses chiens cadrent de pasibles moutons. Les pierres noires que les volcans ont rejetées et que les rivières ont drainées parsèment le sol. Puis viennent le sable, le sel qui donnent au plat un goût sublime de paradis. Le dépaysement est total. La terre en Cappadoce est parsemée d’enclaves, autant de caves grotesques que de grottes concaves. Point de départ et d’arrivée, le rocher d’Uchisar est un gruyère géologique, une curiosité classée. A des kilomètres à la ronde, les habitations troglodytes donnent un sens au mot terrien que nous sommes. Plus il y a de gruyère, plus il y a de trous. Et les coureurs s’en vont, GPS en mains pour unique balise. Bondissants,  ils rebondissent au-delà des alvéoles peu communes, aussi surprenantes qu’elles ponctuent un chemin tortueux qui torture le voyageur. Aussi pressé qu’il soit, le temps s’est ici figé. Immuable cadre. Indescriptible décor. Rien ne sert de courir, autant flâner tant la nature est belle et préservée. L’ultra marathon se dispute dans un environnement difficile, semé d’obstacles. La caravane traverse Uchisar, Urgup, Göreme, Nevsehir, Hasandag. Elle longe ensuite les rivages brûlants de Tuz Gölu, du Lac Salé. Son circuit totalise 240 km, prend parfois de l’altitude. La course longue et difficile emporte le peloton sur des sites naturels somptueux, des villes, des champs, la montagne, des lacs, quelques tunnels et des rivages de cristaux blancs. Les quatre premières étapes totalisent chacune une trentaine de kilomètres. La cinquième est hors normes. Avec un départ donné quand l’astre est à son zénith, courue à travers champs sous une chaleur d’enfer, sans ombre possible et avec les reflets éblouissants du sel sur un sol meuble, elle compte près de cent bornes. Chaque centimètre carré de peau est livré aux rougeoiements. Aux chaleurs du jour qui écrasent le sac sur les épaules succèdent les fraicheurs de la nuit. Les torches s’allument sur les fronts dégoulinants. Les premiers parcourront le relais en moins de douze heures, les derniers vingt cinq. Tous resteront bornés sur leur réussite, l’accession au bout du voyage. Cent bornes de sol ingrat, une volonté peu commune. De l’extra ordinaire extraordinaire. Le dernier volet de l’épreuve, plus court, ramène l’ultra-marathonien à son point de départ, le délivre du poids de son sac, de ce qu’il porte au fond de lui, de tout ce qui lui pesait tant : son vécu, ses ennuis, ses doutes, son stress. Il rentre vidé. Vidé et rechargé. Heureux. Seuls ses pieds meurtris de pèlerin gardent les traces de son aventure et de son périple. Parce qu’au décor idyllique, aux difficultés que revêt l’étendue du parcours et à la longueur de l’épreuve, il convint de corser l’épreuve par des règles strictes, peu communes. Une autre particularité du Runfire Cappadocia réside dans l’autosuffisance assumée par chacun de ses coureurs. Chaque participant doit emmener dans son propre sac un équipement nécessaire et obligatoire, et toute la nourriture qu’il consommera durant sa semaine de sacerdoce. Nul ne peut déroger aux règles. Un simple cornet de glace glané à la traversée d’un village, un croûton de pain ou un fruit dérobé à la nuitée sur le site du camping entraine une irrévocable disqualification. Que ceux qui pêchent reçoivent la première pierre. Seule l’eau est fournie à volonté sur les lieux définis, tout autant au camp dressé chaque soir que sur les points précis de ravitaillement en course. La communauté traverse ainsi sept jours durant une formidable aventure humaine. Aux efforts et aux recueils personnels, il convient de mentionner l’esprit collectif et l’accueil réservé. Têtes de  Turcs, chiottes turcs, forts comme des Turcs, la compétence, la vigilance, les attentions, la gentillesse et les prestations offertes par les membres de l’organisation furent à la hauteur des difficultés de l’épreuve. Mention excellence au peuple qui reçoit. Tambours et chants accompagnent le refrain. Un Danois, un Italien, une Russe, une Française se sont joints à la quarantaine de fondus partants. Et, naturellement, au jeu de la course devant, nul n’est plus prophète qu’un Turc en son propre pays. A moins qu’ils ne puissent être deux.  Faruk Kar et Mahmut Yavuz ne se sont jamais quittés. 240 km durant, l’un avec l’autre, l’un entrainant l’autre, l’autre attendant l’un, sans parvenir à se séparer, ils ont dominé ensemble et sans partage toutes les étapes de l’épreuve. Pas une seule seconde ne différencie les deux hommes. Une amitié sans faille qui dénote un esprit d’équipe. Chez les dames, Véronique Magny, unique cocorico sonore ultra fondue dans le décor, enchante la course par son charme et son courage. Elle hisse son sourire, ses jambes et sa peau hâlée sur la troisième marche du podium. Elle y lève haut le trophée glané, s’y statufie telle la Liberté.  Au-delà de l’aboutissement de chacun survient l’extase. Des images gravées à jamais dans un coin de l’ordinateur ou au fond des mémoires. Le souvenir d’une aventure peu commune. Un voyage d’enfer couru au bout du paradis. Runfire Cappadoce, souvenez vous vous aussi. Que les plus timorés s’abstiennent. Retenez juste que la grandeur de l’épreuve fait la grandeur de l’âme. Et qu’une telle course est sans doute inégalable.

Brice de Singo (bricero@laposte.net)

 

 



Une nouvelle station de Trail dans le Vercors...

Après la station de Saint-Pierre de Chartreuse, l’an dernier, c’est Villard de Lans qui lance cette année sa station de Trail, ouvert à tous les types de pratiquants, occasionnelles comme confirmés. L’ouverture officielle à été effectuée le 30 juin dernier, avec la Montée infernale qui a été remportée par le skieur de fond andorran du team Grenoble, François SouliéLe principe de Station de Trail est de proposer différents parcours de course à pied sur le Vercors qui démarrent de La colline des Bains ou de Bois Barbu (Villard de Lans). Ainsi, 11 parcours sont balisés sur la station avec un code couleur (de vert à noir) indiquant la longueur mais aussi le dénivelé de ceux ci. Ces parcours sont balisées et gratuits d’accès. Pour y accéder il vous suffit de télécharger les topos des parcours sur le site www.stationdetrail.com. Mais vous pouvez aussi les demander, gratuitement, à l’office de Tourisme de Villard de Lans. Après avoir effectué un parcours, vous pouvez laisser le chrono de votre séance d’entraînement et vos impressions sur le site. Cela pourra profiter aux autres utilisateurs des parcours dans leurs choix mais aussi au développement de la station de Trail. La Station de Trail intègre également dans son offre, quelques pépites d’exception pour le trail, comme le parcours noir de 43 kms par les balcons Est, le parcours record de la montée infernale (600 m de dénivelé sur 2,3 kms) ou encore l’itinéraire mythique de la GTV (Grande Traversée du Vercors) pour un Trail de plusieurs jours.  Outre les parcours, un stade de Trail avec des ateliers dédiés ont été mis en place sur la zone nordique de Bois Barbu dans le but de s’initier ou de se perfectionner au Trail (détermination de la VMA Trail, boucle de perfectionnement, renforcement musculaire, kilomètre vertical, …). En plus des itinéraires Trail et des ateliers, des services et toute une gamme de prestation sont disponibles autour de la station de Trail (espace détente, salle de musculation, coaching sportif, massage et préparation sportive,…) Villard de Lans ambitionne de devenir un haut lieu pour la pratique du Trail en Europe. Au-delà de cette discipline en pleine explosion et de la constitution d’une véritable filière d’activité sur le Vercors, ce sont aussi des images de pleine nature, de grands espaces et de santé qui sont véhiculées à travers cette démarche.  Les partenaires de la Station de Trail : Raidlight, Cyclide, Nutratletic, CapVercors

Renseignements Station de Trail du Vercors:

Office de Tourisme de Villard de Lans Tel. 04 76 95 10 38 vercors@stationdetrail.com

 

 


Sur les traces du Trail du "Petit train de la Haute-Somme"

1916. la Somme. Au pays des coquelicots, dans les tranchées, le front s’en enlisé. La campagne est dévastée. Front, postes d’observation, lignes, casemates, arrières. Les régiments anglais encaissent les assauts, préparent l’offensive. Un va et vient incessant d’hommes, de chevaux, de canons, d’obus, de munitions. Une ligne de petit train à vapeur est créée, du canal de la Somme aux collines qui surplombent les étangs, un petit train qui, remis en état par une poignée d’irréductibles passionnés, dessert toujours la campagne, serpente, toussote. Son tchou-tchou n’effraie guère plus que les canards et les hérons. Son allure colorée d’un autre temps amuse les pêcheurs. Cinquième édition cette année du Trail du « Petit train de la Haute Somme ». Un succès grandissant et plus que mérité pour une épreuve courue dans un décor hors normes, sans doute l’un des plus jolis trails de France. Berges du fleuve, monts, vaux, écluses, faune, flore, étangs, nature préservée, points de vue dignes des plus grandes cartes postales. On ne peut se douter sans la voir combien cette région est belle et préservée. Toujours organisée par le club de l’Aérospatiale de Méaulte, l’AMAAC, l’épreuve a été courue le 22 avril sur deux distances, 21 ou 37 km. Si le nombre de participations croît d’année en année, le plateau fut de plus, sur cette dernière édition, sacrément achalandé. On vient de plus en plus loin. Coureurs de renom, sportifs plus modestes se sont ainsi fondus dans le paysage verdoyant pour côtoyer hérons, cygnes, grenouilles et canards, hagards de voir un tel train passer. Et la compétition, âprement disputée entre éclaircies de ciel bleu, nuages noirs et rafales de vent tenaces n’a aucunement entamé la convivialité de la rencontre. Plus de deux cents coureurs se sont élancés sur la plus petite distance, 21km, Julien Allart essayant bien dès le départ donné d’assommer toute concurrence en imposant un train de locomotive qui n’a rien à voir avec celui du tortillard qui s’ébranle parallèlement. Le TGV qu’il emmène s’est vite étiré et seuls deux wagons sont parvenus à lui emboiter le pas. Vincent Biville et Thomas Médard. Vincent saura mieux s’économiser sur les bosses. Sur le retour, sur le chemin de halage plat et éventé, il saura déborder son présomptueux adversaire et lui ravir les lauriers. La première féminine, Roxane Théry, 19 ans, se classe onzième du scratch. Sur l’épreuve reine, 37 km, c’est le jeune espoir Nicolas Tullier de l’AC Château Thierry qui maitrisera sur plus de trente six kilomètres toute la concurrence. Pourtant, à court sur le final, plus émoussé, il se fera le rattraper à quelques mètres de la ligne d’arrivée par le Chti David Ardid revenu de très loin le cueillir comme une fleur. A David et à Francine Hervier les plus beaux bouquets sur la plus haute marche du podium.  Sur la randonnée, les marcheurs furent aussi à la fête. Et le petit train à vapeur de la Haute Somme a finalement regroupé tout le monde pour un vrai gueuleton champêtre, une cuisine fine, des spécialités picardes. Des sourires inaltérables, des blagues, des rires. Aucune grise mine mais plusieurs finalement grisées. Pour âmes sportives, bucoliques et épicuriennes. A retenir.

Brice de Singo (bricero@laposte.net)

 


Récits de Toulousains sur les 100 km de Millau !

Retrouvez ici deux superbes témoignages de coureurs Toulousains ou de la banlieue toulousaine (Jacky Gasteceau et Christophe Lemort) suite à leur périple sur les 100km de Millau. Le dernier en date ! Cela vaut le coup d'oeil. Cliquez  ICI  et puis ICI !


Vincent Rivoire, héros de la Transmartinique 2011

La douceur de vivre et la nonchalance qui règnent sur la Martinique cachent une épreuve au caractère sacrément trempé. Un vrai bonheur pour ceux qui souhaitent découvrir le cœur sauvage de l’ile, une surprise de taille pour ceux qui n’en connaissent que les plages de sable et les cocotiers …Pour tous, cet ultra de 133km et 5300m D+ fut un singulier cocktail : 30% de jungle dense, 30% de bananeraies et champs de canne à sucre, 30% de littoral et de plages de sable. Sans oublier une note volcanique avec l’ascension de la montagne pelée. Un cocktail suave et épicé à la fois. Mais le secret du barman, c’est l’excellente organisation offerte par l’équipe Manikou. Des passionnés de course nature, eux aussi, proches des coureurs et qui ont compris qu’une organisation sérieuse et dévouée était un gage pour donner à cet ultra la dimension qu’il mérite.Pour moi, l’aventure avait commencé par l’envie de refaire un bel ultra pour mes 50 ans. Après trois années d’une pause (relative !) sur des distances plus modérées où des courses à étape comme la Transtica en 2010, le démon du non-stop est revenu me chatouiller les mollets …C’est donc cinq jours avant la course que je débarque à la Martinique, histoire de m’acclimater à la chaleur humide qui règne à l’intersaison tropicale.

Entre les ballades à la découverte de l’ile et de ses habitants, j’en profite pour faire deux petites reconnaissances du parcours. A J-4, nous allons avec Rémy Jégard sur la côte vers Cap Chevalier, alternance de petites criques de sable, de forêt littorale boueuse, d’escarpements rocheux et de landes, nous y croisons Régis et Christine Coumenges, le monde des Ultra-trailers est petit ...A J-3, c’est avec Antoine Guillon que nous repartons trottiner au Vauclin, petite sommité volcanique qui sera notre dernière vraie montée durant la course au km80. J’ai eu grand plaisir à retrouver Antoine fortuitement la veille en faisant quelques emplettes, il fut une époque où nous nous croisions sur les podiums de trails courte distance. Antoine est devenu depuis un immense champion d’Ultra, membre de l’équipe Lafuma. Il est un des grands favoris de la transmartinique, mais a gardé cette simplicité et cette modestie qui font l’apanage des vrais champions.A J-2, je loue un kayak pour explorer durant 2 heures la mangrove vers Trois -Ilets, entrelacs fascinant de palétuviers. Le loueur, un martiniquais passionné, m’a tout expliqué sur cet écosystème. Grâce au silencieux glissement du kayak, je peux aussi m’approcher d’immenses nichées d’oiseaux migrateurs qui peuplent les arbres. Puis c’est le briefing de la course dans la ville du Lamentin. Toute l’équipe organisatrice est là pour nous accueillir et nous projette sur grand écran des explications très détaillées sur le parcours et les règles de course, en insistant en particulier sur la charte du respect de la nature. Antoine et Christophe Le Saux (team Hoka Altecsport)  sont appelés sur l’estrade, salués comme les deux grand favoris de la course, mais également en tant qu’eux même organisateurs de trails.Je consacre J-1 à préparer mes affaires de course, je me sens désormais pleinement dans l’ambiance et retrouve cette concentration dans la préparation : combien prendre de gels, de barres, de paires de chaussettes, de piles de rechange ? Un bon bain de mer me permet de me détendre avant de prendre le bus en fin d’après-midi pour Grand-Rivière, tout au nord de l’ile. L’organisation a eu la bonne idée de nous ouvrir la salle des fêtespour une nuit sur place avant le départ prévu à 6h du matin. Notre chauffeur de bus est un vrai Fangio, tous les coureurs sont impressionnés de le voir couper les ronds points ou dévaler des petites routes sineuses du nord de l’ile à grands coups de klaxonx multitons et d’appels de phares.Jour J, les 200 coureurs inscrits sur cette distance se rassemblent sous l’arche de départ. Des coureurs venus de 7 nations, dont 27 femmes, qui ont opté pour les 133km et la traversée complète du nord au sud de l’ile. En tout, avec les deux autres distances proposées (58km ou 33km) ce sont plus de 600 coureurs qui vont arpenter l’ile ce week-end de décembre 2011. Et c’est parti, au 6è coup de la cloche de l’église, alors que pointe juste le jour.Nous commençons par l’ascension de la montagne Pelée, impressionnante sur ses dernières longueurs,  nous longeons des à-pics dans le brouillard. J’y passe en 7è position, nous redescendons pour plonger par la suite dans une longue traversée de forêt tropicale, une végétation luxuriante où il faut être très vigilant sur ses appuis pour ne pas trébucher sur les racines enchevêtrées. Il faut s’accrocher aux arbres avoisinants dans les descentes les plus raides, et je me félicite d’avoir pris des gants de vélo. Nous traversons aussi plusieurs torrents. J’arrive au gros point de ravitaillement de St Joseph au km45 en 6è position, après avoir fait des petits bouts de route avec Christophe Le Luherne (6 fois champion de France et vice champion du monde de triathlon en distance olympique). Je prends le temps de me changer partiellement, de recharger mon ravitaillement et de me soumettre au contrôle médical obligatoire.

Sur le deuxième tiers de course, nous traversons d’immenses bananeraies mais aussi des champs de canne à sucre dont certaines sections sont d’interminables ornières de boue dans lesquelles nous laissons beaucoup d’énergie. Les remontées dans les hauteurs permettent d’admirer les magnifiques paysages où la vue porte jusqu’à la côte. Des encouragements chaleureux fusent parfois des maisons.C’est sur un poste de ravitaillement au km75 que je rattrape Michaël Pasero (team New Balance), victime de nausées il doit faire une pause. Nous décidons de repartir ensemble alors que la nuit tombe, voilà déjà 12h que nous sommes en course. J’apprécie de courir à deux, Michaël est un excellent coureur et nous avançons bien à la lueur de nos frontales. Nous traversons le domaine de la superbe habitation Clément, qui produit un des rhums les plus prisés de l’ile. Arrivés au pied du Vauclin, Michaël hélas décroche et c’est seul que je franchi ce petit mais très raide somment et sa descente patinette où je m’accroche aux mains courantes. Je profite malgré la fatigue, de cette ambiance nocturne magique, c’est la pleine lune. J’aime courir la nuit, c’est à chaque fois un monde différent. Dans le désert de l’Akakus durant le Libyan challenge, c’était le silence absolu. Ici, c’est à l’opposé un concert permanent, cette sorte de chant des cigales qui peuple toutes les nuits tropicales.J’arrive au grand ravitaillement de la ville du Vauclin en 5è position et je prends encore une fois le temps pour me doucher et me changer complètement (la sueur ne sèche pas et crée beaucoup d’irritations).Le parcours rejoint progressivement le bord de mer en passant par les éoliennes de Macabou, j’entends au loin le ressac. Je mets enfin le pied sur la 1ère plage de sable. Un nouvel ingrédient du cocktail transmartinique : courir seul sous la pleine lune sur une plage déserte entre ressac et cocotiers, il faut venir ici rien que pour cela ! Des myriades de petits crabes blancs filent sous mes pas et je mesure le privilège de vivre ça malgré la grande fatigue qui me fait ralentir l’allure.Au km112, surprise : je rattrape Cyril Cointre (team Raidlight) à un ravitaillement. Je lui propose de repartir avec moi mais il préfère se reposer encore et je repars donc en 4è position.Il y a encore de longs passages boueux dans la forêt côtière mais aussi des ambiances extraordinaires comme la savane des désolations où une partie de la traversée de la lagune se fait sur des pontons de bois. J’arrive encore à m’alimenter et à boire correctement, ce qui est rare pour moi après 20h de course. Vers le km 128, un signaleur me confirme que je suis 4è … et qu’il y a une féminine devant moi ! Je n’en reviens pas, mais je comprendrai à l’arrivée qu’il s’agissait en fait de Christophe Le Saux, qui avec sa grande chevelure blonde sur les épaules a trompé la vigilance du signaleur en pleine nuit !Enfin, les lumières de Ste Anne, la traversée du village – ça monte encore ! – et l’arrivée à la pointe du Marin. Il est 3h37 du matin, j’ai couru 21h37 et termine aux anges en 4è position (et 1er V2). Jeanne la podo de Toulouse me soigne les pieds qui ont bien soufferts, en permanence trempés et les chaussures remplies de boue. Qu’il est bon de pouvoir enfin s’allonger. Le soir, les 5 premiers sont appelés sur le podium. Antoine semble frais comme un gardon, il a gagné en 18h … et n’a qu’une seule ampoule aux pieds ! On dénote 50% d’abandons sur les 200 coureurs partants, ce qui montre la rudesse du parcours.Si vous aimez les cocktails exotiques, allez courir la transmartinique, c’est une course unique dans sa composition, c’est une course appelée à grandir.

Vincent Rivoire


Trail de Rodrigues : l'entrée du paradis...

 Il y a des courses comme cela qui vous marquent à jamais. Le Trail de Rodrigues en fait forcément partie. Ce petit pays est envoûtant, captivant, relaxant... très nature aussi. Et ce sont autant de qualités qui attirent avant toute chose les traileurs de tous bords... Laissez-vous tenter par cette nouvelle aventure. Sans doute la dernière au vrai goût d'authentique...Mon histoire démarre il y a quelques années de cela déjà. Six ans pour être précis. J'étais allé en vacances une semaine à Rodrigues. Sans doute parce que j'avais habité plusieurs années du côté de la Réunion et comme c'est juste à côté, je m'étais toujours promis d'y faire un petit saut. Au moins une fois. Et bien m'en a pris puisque je fus à l'époque subjugué par ce petit joyau de l'océan indien. Imaginez tout de même une île de 18km de long sur 6km de large, peuplée de 38000 âmes seulement. Cela peut laisser perplexe. On se demande d'emblée comment on ne va pas s'y ennuyer... Qu'est-ce que l'on va pouvoir faire après avoir fait une ou deux fois le tour de l'île? Et bien de l'avion déjà, les doutes s'envolent avec la première image qui nous saute aux yeux. L'île est faite de monts et vallées toutes plus encaissées les unes que les autres. Un enchevêtrement d'anses et de ravines, une mutitudes de petites plages et de monts aux noms évocateurs... patates, citron, cabris, cocos... Sans aucun doute possible, il faudra pas mal de temps pour tout découvrir.  Mais ce qui m'aura le plus marqué durant cette première semaine d'approche, c'est la gentillesse et la simplicité des habitants. Dès que vous sortez de l'avion, les sourires et politesses sont les rois. Il faut laisser son stress et ses tracas à bord, à Rodrigues on peut dire que le temps coule plus lentement qu'ailleurs. Pas de violence, pas de délinquance, pas de délits, que des hommes respectueux et qui prennent le temps de vivre. Sans doute un des endroits les plus calmes et reposants qui soient au monde... Bref quand l'an passé, j'ai entendu parler qu'un trail avait eu lieu, j'ai tout de suite prêté l'oreille. J'ai eu un peu de mal à m'imaginer un parcours de 35 km sur ce petit bout de paradis, j'ai eu encore plus de mal à envisager des Rodriguais se dépêchant pour rejoindre une ligne d'arrivée. Et pourtant la réalité devait bien vite me rattraper. La première édition du Trail de Rodrigues avait réuni près de deux cents coureurs, entre un 5, un 10 et un 35km, la deuxième édition allait être un énorme succès avec plus de 500 participants. Les coureurs seront venus de partout dans le monde, Réunion et Maurice en tête, bien sûr, mais aussi France, Inde, Allemagne... Tout le travail entrepris par l'Office du Tourisme de l'île depuis quelques années commence vraiment à payer. A Rodrigues, aussi bizarre que cela puisse paraître, on a la fibre athlétisme et un comité a même été crée. C'est le sport phare au même titre que le football. Et les locaux, en quelques années de pratique seulement, ont fait mieux que de s'adapter au trail. Ils sont devenus bons et jouent la gagne... On le verra plus tard. Aussi me voilà avec mon short, mon tee-shirt et mon porte bidon au départ de cette deuxième édition. Malheureusement pour moi je ne pourrai arriver sur place que la veille de la course. Le voyage est assez long, ne s'y trompons pas ! Rodrigues ne se donne pas aussi facilement aux étrangers. Il faut soit passer par la Réunion, soit par l'ïle Maurice et donc compter au bas mot dans les 15 ou 16h pour y arriver...  A l'hôtel Cotton Bay, sur la Pointe Coton, une petite averse va nous rafraîchir pour le départ. Tous les coureurs sont avachis sur les transats qui entourent la piscine de l'hôtel. Le départ est donné à 6h45. Le petit déjeûner a déjà été servi. C'est le branle bas de combat. Les organisateurs sont un peu fébriles. Eric Lacroix et Orell, responsable de l'association du tourisme réunie, donnent les dernières recommandatations. Les premiers kilomètres se font sur la plage. Mais pas vraiment dans le sable. Juste cent mètres. Ensuite on borde les criques, toutes plus merveilleuses les unes que les autres, mais en passant par des petits sentiers qui montent et descendent tout autour. La difficulté est déjà là ! On nous avait bien prévenu. Il y aura cette année 37 km au programme avec 1700m de D+.  Des incessantes relances vont se succéder durant toute la course. Epuisantes au final... Mais d'emblée, je me rends compte que le souffle est court. J'ai beau me sentir bien au niveau musculaire, le souffle est court. Il ne fait pas vraiment très chaud, heureusement d'ailleurs, mais l'humidité est là. Et comme je n'ai pas eu le temps de m'adapter au climat local, je comprends tout de suite que cela va être dur aujourd'hui. Je croise un peu plus loin, ni plus ni moins que JUlien Chorien, mon pote qui vient de gagner le GRand Raid de la Réunion. Il est invité d'honneur sur l'épreuve. Mais bon, dans l'avion qui nous a emmené ici, il m'a bien précisé qu'il était hors forme, qu'il avait coupé après sa victoire, deuxième du nom, à  la Réunion et qu'il avait décompressé après... Bref pas de miracle pour lui non plus, il subit un vrai coup de chaud après avoir gardé la foulée des premiers durant cinq ou six kilomètres. Devant ça carracole à un bon rythme. Le Trail de Rodrigues qui fait aussi partie d'un challenge de l'Océan INdien, avec une manche à la Réunion et une autre à Maurice, a réussi à attirer du coup pas mal de pointures des îles alentour. IL y a par exemple le vainqueur du dernier trail de Bourbon (le semi raid de la réunion), Guillaume Bernardin, mais aussi le champion mauricien Vishal Ittoo et le tenant du titre, le local, Martial Germane...  Après un premier ravitaillement fait de coca, sucre et sel, on attaque les choses sérieuses. La montée de Bois Noir qui va nous emmener chez Jeanette, célèbre table d'hôte de l'île. La montée est sans doute la plus dure du trail. Elle se fait dans une végétation luxuriante, proche de la mini-jungle, bordant une canalisation, elle débouche sur un petit plateau  herbeux où le deuxième ravito nous ceuille hors d'haleine. Jeanette, le coeur sur la main, a fait les choses en grand. Elle a installé devant sa case plusieurs tables avec quelques filles qui vont s'occuper aux mieux des 150 coureurs. J'apprendrais plus tard qu'à l'arrière de la maison, d'autres mets succulents, genre gâteaux patates ou gâteaux maïs et jus de papaye maison, attendaient les journalistes et autres suiveurs. La fête durera toute la journée. Le Trail de Rodrigues est tout de même la troisième manifestation populaire de l'île, après le Festival de musiques créoles et la fête de la pêche. C'est tout dire... D'ailleurs quand on passe dans les petites bourgades du circuit, même très rapidement et sans s'attarder, les villageois nous acceuillent chaleureusement. Ils nous encouragent simplement et avec nonchalance. Quelques enfants nous précèdent suivent d'ailleurs, comme pour nous monter le chemin. Semblant voler au-dessus des difficultés. Après chez Jeanette, au 16ème kilo donc, il faut remonter une petite route bitumée, pour se retrouver à couper à travers les champs et les plantations des hauts. Il fait bon, il fait frais même... et quelques gouttes de pluie nous surprennent aussi. Rien de grave. Mais je me rends compte maintenant que j'ai fait un mauvais choix de chaussure. Moi qui avait gardé à l'esprit un paysage sec et aride, je m'étais convaincu inconsciemment que des chaussures routes seraient largement suffisantes. Que neni ! Le sentier proposé est un vrai sentier de traileur, technique à souhaits par endroits, il n'a rien à envier aux réputés chemins et traces de La Réunion. Tant pis pour moi, ce n'est donc pas mon jour. Je vais glisser souvent sur des rochers bien humides. Je vais ralentir et profiter du coup de quelques points de vue à couper le souffle. C'est d'ailleurs surtout cela qui fera le charme de cette épreuve. L'île n'est pas très haute avec comme point culminant, le Mont Limon à 389 m, mais dès qu'on prend un peu de hauteur, on n'a qu'à tourner la tête à droite et à gauche pour découvrir la beauté saisissante des lieux. C'est ce que l'on appelle couramment la vue panoramique sur le lagon... Je continue donc mon périple en essayant donc de me faire plaisir, d'emmagasiner des images pour mes vieux jours. Un peu plus loin, je me fais attaquer par une abeille. Elle me pique vivement et s'enfuit contente d'elle. Je n'ai pas le temps de la voir vraiment. Et si c'était autre chose? Tout le monde m'a pourtant répété qu'il n'y avait aucun danger sur cette île. Cela rassure. Au prochain point pourtant, je me fais confirmer la chose. "Ne vous inquiétez-pas me dit un bénévole. Si vous n'êtes pas allergique aux piqûres d'abeilles, il n'y a aucun risque..." A Rodrigues, il n'y a pas d'animaux, ni de plantes dangereuses. Que du bonheur donc ! Même les grosses araignées qui pendent au-dessus des fils électriques un petit peu partout ne sont pas vénimeuses... Devant j'apprendrai plus tard que la bagarre fait rage entre les Réunionnais et les Mauriciens. Vishal a pris la tête quasiment d'emblée. Il ne sera pas battu. Seul Fabrice Armand parviendra à garder sa foulée mais pour finalement terminer main dans la main. Guillaume Bernardin est pas loin, mais il a préféré gérer son podium ne sachant vraiment jamais quel écart le séparait de la tête... JUlien,quant à lui, se refera une santé sur la fin pour revenir dans le Top 10 ! Le parcours est vraiment étonnant, on monte en haut de l'île, on redescend vers les plages, on tourne et tournicote. Le balisage est parfait, impossible de se perdre... Il y a des marques oranges toutes les trente mètres au moins. Ce sont des  connaisseurs qui ont fait le boulot, cela se voit... Un trail de passionnés ! Le parcours est très varié avec très peu de  bitume pour finir, seules quelques traversées de routes pour gagner l'autre versant et faire connaissance un peu de la population souvent massée là. L'arrivée approche, on la voit au loin. On est partis de l'extrême Est pour finir tout à l'Ouest. Tout près de l'aéroport.  C'est aussi la région la plus aride de l'île, là où l'eau manque cruellement. Apès avoir descendu la rivière cocos pour remonter à Papaye, on dépasse le dernier ravitaillement et après déjà quatre heures de course, la température est montée d'un cran. Là il doit bien faire 30°C tout de même. Bientôt on débarque dans la grande réserve de François Leugat. C'est là que se trouve une des plus grandes attractions de l'île : l'élevage de tortues géantes. On court donc tout simplement à côté de  monstres venues d'un autre monde. La sensation est garantie. C'est la fable du Lièvre et de la Tortue, version rodrgiguaise. Même si cette fois, Le Lièvre ne va pas focément très vite non plus... On voit à côté la tente d'arrivée. Le speaker égrène d'ailleurs les arrivanst un à un. On y est. Ouf ! Et bien neni, les organisateurs nous avaient d'ailleurs prévenus : il reste un petit tour à faire pour passer par l'entrée principale de la réserve et ainsi profiter des encouragements de tous. La portion est la plus dure au mental. Il manque encore 1,5 km au compteur. Un petit tour dans la savane aride sans ombre ni fraîcheur quelconque. C'est un chemin qui fait le tour de la propriété... Enfin au bout de la ligne droite, après avoir traversé le parking, c'est la délivrance. Le cari-poisson nous attend déjà, on hume l'odeur de loin ! Mais d'abord quelque chose à boire... Même si les ravitaillements étaient bien placés etlargement suffisants, ce trail a désseché les organismes et laissera des traces... La remise des prix hautes en couleurs et avec les autorités locales se tiendra sur place même quelques heures plus tard. Le temps d'aller faire la visite de la réserve avec chauve-souris et tortue à gogo... vivement les quelques jours de repos à venir autour de la piscine de l'hôtel Pointe Venus, aux portes de Port-Mathurin, capitale de l'île... Mais c'est une autre histoire. Et je ne vous en dis pas plus... car le Trail de Rodrigues vous tend déjà les bras... à vous de venir le découvrir. L'an prochain il aura lieu le 4 novembre. Il garde en lui quelques petits secrets que je ne vous ai pas révélé, alors laissez-vous tenter !

 

Grand raid de la Réunion : faut-il vraiment être fou ?

 Mais que recherchons-nous en nous inscrivant à une épreuve comme le Grand Raid ? La souffrance, la douleur, l’introspection… ou tout simplement cette immense joie d’y être arrivé ? Allez savoir vous… Car ils ne sont pas si nombreux finalement à « avoir survécu » cette année encore. Moins de la moitié. Plus de 50% d’abandons. C’est énorme… C’est à tout cela que je pense en m’engouffrant dans une petite tente dressée à Foc Foc, du côté du Volcan sur l’Ile de la Réunion, au premier ravitaillement de l’épreuve. Vers le 20ème kilomètre. Il est 2h du mat. Il ne fait même pas 4°C à plus de 2000 mètres d’altitude. Et oui à la Réunion aussi il peut faire froid. Et en essayant de me réchauffer un peu, en réajustant mon petit k-way qui ne semble pas devoir me servir à grand-chose, je me rends compte que je ne suis pas le seul dans ce cas-là. Loin s’en faut. Je dois être classé dans les 300 ou 400 mais déjà les gars s’enfoncent dans les quelques couvertures mises à disposition. Les hypothermies sont nombreuses. Les abandons commencent déjà. Sébastien Chaigneau sera le premier à jeter l’éponge. Mais pour d’autres raisons… Je me réchauffe avec un thé bien chaud. Le médecin sur place annonce 35,5°C. Non, pas dehors, mais bien sur un coureur qui ne fait pas beau à voir. Et dire que cela ne fait que quatre heures que l’on est parti… Que va-t-il se passer un peu plus loin ? Et demain ? De toute façon, même si la forme est loin d’être au rendez-vous cette année pour moi, au moins là, je n’ai pas le choix. Il me faut continuer sur le prochain point. Au grand ravitaillement du Volcan… Je n’ai plus qu’une solution : me remettre à courir le plus vite possible pour faire remonter ma température corporelle. Cela a l’air de fonctionner. Je me réchauffe assez vite. J’arrête de trembler de partout. Mais je me fatigue du coup encore plus vite. Ah sacré Grand Raid, c’est mal parti. Mais qu’est-ce qui m’a forcé à m’inscrire cette année encore ? En fait c’est ce que tout traileur au départ doit forcément se dire à un moment ou à un autre de son périple réunionnais. Il ne peut en être autrement. Chaque année, le bilan est le même. Chaque année la difficulté semble augmenter. Et les organisateurs d’y prendre un certain plaisir. « Nous assumons totalement nos choix » explique à qui veut l’entendre Robert Chicot, le grand patron. « Nous savons pertinemment que la course est dure. Mais chacun doit en avoir conscience avant de partir et se préparer en conséquence… » Alors tous les ans, c’est le même débat. Pourquoi toujours plus long ? Pourquoi toujours plus haut ? Cette épreuve qui se bouclait, il n’y a pas si longtemps, en moins de 20h pour le vainqueur, ne peut s’envisager, ou rarement en moins d’une journée totale. Il faut un tour entier d’horloge et donc une nuit blanche pour s’en sortir. Mais du coup cela rallonge tous les autres temps de passage pour tous les concurrents. Il faut bien se rendre compte que quasi personne ne finit cette course en moins de 30h. Que plus de la moitié des inscrits n’y arrive pas… C’est tout simplement phénoménal. Presque trop…Surtout quand les conditions météos s’en mêlent. Je vous ai parlé ici du froid incroyable qui a régné dans les hauts de l’île, mais on ne peut pas ne pas parler de la boue qui aura joué son rôle de sape sur tous les organismes. Après Mare à Boue, dans la fameuse forêt de Bélouve, celle que plus personne ne pourra désormais envisager de la même manière, les jambes se sont enfoncées jusqu’à mi-mollet, parfois jusqu’au genou. Tout le monde aura glissé, sera tombé plus d’une fois. Et dire que l’organisation avait proposé un moment de zapper ce passage pour glisser vers une belle solution de rechange, du côté de la route forestière qui borde le sentier. Il n’en fut rien donc. Surtout ne pas rendre le tout plus facile. Comme un leimotiv à ne pas oublier. « Surtout que ça ne soit pas plus facile, ça se verrait ! »

Alors moi qui trottine encore du côté du Volcan, en pleine nuit, avec ma frontale pour seule compagne, je me suis trouvé quelques raisons. Si je suis là en ce moment, c’est avant tout pour vivre un moment d’exception, hors du temps. Le départ en fait partie. Il marque les esprits pour une vie entière. Agglutinés des heures entières sur une zone de départ d’où l’on ne peut plus sortir, comme emprisonnés de nos émotions, on sent la pression qui monte de minute en minute. Comme palpable. On essaye de fermer les yeux pour prendre encore quelques instants de sommeil à la volée. Mais cela n’est pas évident, la musique est trop forte. On dit bonjour à quelques connaissances. On n’ose pas trop discuter non plus histoire de ne pas disperser ses forces inutilement. Et à moins d’une heure du coup d’envoi, tout le monde se met debout. Comme un seul homme. Les cordes qui nous bloquaient jusque-là ont été retirées. On s’agglutine vers le sas de départ. L’entrée du stade. Mais il reste encore une bonne heure. Pourquoi si tôt ? Les minutes s’égrainent sur une horloge géante. Les regards se croisent, les sourires sont timides, mais bien réelles. On devient tous plus humains. Il n’y a pas plus de frontières, de culture, de religions, ni de différences sociales. Le groupe musical local qui nous a enthousiasmé jusque-là stoppe soudainement. Plus que deux minutes. Le titre phare de la chanteuse Adèle que l’on entend sur les ondes un peu partout actuellement nous transperce le corps. J’ai des frissons. La chair de poule. Je pense aux miens. A ma compagne qui est déjà repartie et que je ne reverrais que demain soir. A ma fille de cinq ans qui est restée en métropole. Tout cela vous submerge d’un coup. D’un seul. Et à moins d’une minute de la libération, vous vous prenez à essuyer une larme. Cet instant est magique, éternel… inoubliable ! Comme une bouffée d’émotion à l’état pur. On est si petit face à la souffrance à venir. Merci Grand Raid pour ce moment qui n’appartient qu’à moi et qui, je suis sûr, ressemble à tant d’autres autour de moi. On frappe dans la main de son voisin. « Allez bon courage ! » Et c’est parti. Tout de suite à fond pour les premiers. Nous on piétine, on essaye de ne pas tomber. Ca crie de tous les côtés… La Diagonale des Fous vient de démarrer. Il est 22h précises. Qu’est-ce que je fais là ? Je suis donc dingue… La suite est encore à écrire…Il y a plein de petits moments comme celui-ci qui jonchent les sentiers que nous allons prendre durant 30h, 40h, 50h… Une parole échangée avec un coureur, un lever ou un coucher de soleil, un rire de bénévole, un encouragement d’un spectateur inconnu, quelques mètres aux-côtés d’un enfant qui court aussi, l’embrassade d’une grand-mère, un souvenir qui remonte à la surface, une musique qui trotte dans la tête. Et puis surtout l’arrivée et son flot d’émotions incontrôlées. Pour ceux qui terminent bien sûr ! C’est pour tout cela que l’on s’inscrit en fait. Et pour bien plus encore. Alors qu’importe qu’il soit plus grand, plus long, plus dur et j’en passe, puisque de toute façon le succès ne se dément pas et que cela fait plus de 20 ans que ça dure. Les gens qui rouspètent sont les premiers à vouloir s’inscrire l’année d’après. Côté compétition cette année, on aura assisté, du moins pour la tête de course, à deux courses dans l’une. Il y a eu tout d’abord les gars qui se sont battus pour la gagne. Ce fut donc un trio de tête composé de Julien Chorier, Pascal Blanc et Freddy Thévenin… Et puis derrière eux, un quatuor de poursuivants avec là Antoine Guillon, Michel Lanne, David Mussard et Lionel Trivel. Très vite ce schéma sera mis en place et tiendra bon jusqu’à quasiment l’arrivée. A ceci près bien sûr que dans le Taïbit, Julien en profitera pour se défaire de ses camarades et ne sera plus jamais inquiété. A ceci près aussi qu’après avoir joué tout du long au chat et à la souris (une fois devant, une fois derrière), Freddy Thévenin, la star locale, finira par craquer dans la toute dernière portion, les dix derniers kilomètres, pour même se faire reprendre du coup par ceux de l’autre groupe qui n’ont jamais été bien loin. Ainsi Pascal Blanc signe avec sa deuxième place son meilleur Grand raid et Didier Mussard, toujours à l’affût, réussit finalement à monter sur le podium. Antoine Guillon venant mourir au pied celui-ci. Chez les féminines, les choses sont plus claires encore. Emilie Lecomte, après sa saison quasi-parfaite, prend d’emblée les choses en main. Elle se détache un peu après le Volcan, mais finalement dans la montée du Piton des Neiges, Karine Herry qui connaît fort bien l’endroit, réussit à recoller et même à prendre la tête… Elle ne cessera dès lors de creuser l’écart, se classant même 22ème au scratch. Emilie, elle, abandonnera un peu plus loin…Hélène Haegel et Christine Bénard complète le podium… Cette année donc, et pour la première fois, la barre des 50% d’abandons a été franchie. Est-ce un signe ? « Non, non » vous répondront les organisateurs. Après tout tant qu’il y en a quelques-uns qui y arrivent… C’est ça la Diagonale des Fous. N’est pas fou qui veut en fait !

 

R.J.



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